Ne pas se schpountizer

Depuis fin 2015, l'éditeur Bamboo a entrepris l'adaptation en BD des œuvres de Marcel Pagnol, qu'il s'agisse de ses romans, de ses pièces de théâtre ou de ses films. Une vaste campagne qui permet de redécouvrir une production bien plus variée qu'on ne le soupçonne.

Le Schpountz est un film considéré, peut-être à tort, comme mineur. Tourné en même temps que Regain en 1938, avec la même équipe, l'un est une comédie, l'autre un drame, tous deux avec en tête d'affiche Fernandel.

Qui est le Schpountz ? Il s'agit d’Irénée, recueilli chez son oncle et sa tante, une famille d'épiciers, un destin qui lui semble un peu trop rapidement tracé. Quand une équipe de tournage arrive dans la région, Irénée s'emballe, et se fait avoir par une farce qui lui fait croire qu’il a de grands talents d'acteurs. Une fois arrivé dans la capitale, après s’être tapé le nez contre les moqueries, il doit se rendre à l’évidence, il s'est fait avoir, autant par cette équipe de cinéma que par sa prétention. Mais il a peut-être une place à trouver dans ce cinéma.

Il a été un « schpountz ». « Un schpountz n'est pas un idiot. Un schpountz raisonne parfaitement sur toutes choses, il vit comme tout le monde, il a même du bon sens... Sauf en ce qui concerne le cinéma ».

C'est sur le tournage d'Angèle que Marcel Pagnol et son équipe auraient rencontré un tel énergumène et auraient eu l'idée d'en faire un film. Dans celui-ci et dans cette adaptation, on retrouve deux des caractéristiques les plus fondamentales de l'esprit de Pagnol, son amour pour le cinéma et son talent pour faire rire.

Le cinéma est ici amicalement moqué, en tant que miroir aux alouettes mais aussi en tant qu'industrie déjà carnassière, avide de stars et d'argent. La faute est autant aux naïfs qu’aux cyniques, qu’à ceux qui croient aux illusions du cinéma ou que ceux qui les créent. Marcel Pagnol en profite aussi pour réhabiliter le rire au cinéma. Il loue le rire salutaire et se moque de la trop grande légitimité accordée au drame, ce qui reste hélas toujours d'actualité.

Le Schpountz, qu'il s'agisse du personnage ou de cette histoire, a les traits grossis par l'exagération. Cette gentille farce est ici illustrée par la plume agitée d'EFIX, dans l'excès mais pas la caricature. L'adaptation se permet quelques clins d’œil, des petites loufoqueries généralement anachroniques qui jurent parfois avec le cadre volontairement désuet de l'histoire.

Mais il s'agit d'une bonne adaptation, dont on sent le travail fourni, que ce soit sur la mise en scène ou sur les couleurs. Remettre Marcel Pagnol au goût du jour restera toujours une bonne idée, tant son esprit est encore vivant, tant qu’on ne le limite pas à une carte postale du Sud. Cette adaptation ne sent pas la naphtaline mais ne verse pas non plus dans l'actualisation forcée. Elle est respectueuse et divertissante, à l'image de son modèle.