Le Sculpteur
7.4
Le Sculpteur

Roman graphique de Scott McCloud (2015)

Ça faisait longtemps qu’on attendait enfin le moment de consécration de Scott McCloud dans la narration en France, et la voilà enfin !! Il se permet ici de reprendre et de mettre au goût du jour le mythe de Faust.


A l’origine, le mythe de Faust est une légende allemande. Elle se base sur le docteur Johann Georg Sabellicus, savant féru de magie noire. Il aurait contracté un pacte avec le diable, qui lui aurai octroyé des pouvoirs et exaucé ses souhaits, le tout au prix de son âme. Par extension, ce mythe est légèrement modifié et peut s’appliquer à des personnages qui acquièrent des pouvoirs moyennant une espérance de vie réduite ou une mort étrange. Ce thème est largement repris dans les domaines de la peinture, du théâtre, de la musique et tout ce paquet d’arts, et reprend surtout l’aspect sombre et maléfique de la légende.


En tant que lecteurs, et plus largement en tant que consommateurs de produits culturels, on se retrouve souvent devant ce thème ou en présence de personnages basés sur Faust. C’est plus ou moins subtil, parfois les artistes nous balance juste une ambiance glauque et morbide à grand renfort de zombies, squelettes et d’un savant fou totalement macabre. Souvent est accolé à tout ça une histoire d’amour qui a mal tournée, j’en veux pour preuve le personnage de Faust VIII dans Shaman King.


Scott McCloud, déjà connu pour Zot, est surtout un grand théoricien du neuvième art. Ça me titillait déjà de vous parler de son œuvre L’Art invisible, qui présente quelques concepts de la bd, mais Le Sculpteur prend largement le dessus.


L'Oeuvre


Chez McCloud, David Smith, artiste de sa profession, passe un pacte avec le diable pour obtenir la capacité de sculpter absolument tout ce qu’il veut à mains nues ! La contrepartie ? Il ne lui reste plus que 200 jours à vivre.


FAUST POWER !!!!!


Notre ami David cherche donc à créer la sculpture parfaite, celle qui fera que l’on se rappellera de lui à tout jamais, blablabla. A mon sens ce n’est pas la part la plus importante de l’œuvre. Le plus important est de voir sa réaction face à sa « Deadline », et je me rends compte que je n’ai jamais trouvé un terme aussi adapté à la situation que celui-ci. Son comportement d’homme face à une mort programmée est un thème particulièrement humaniste. On le voit faire des choix, se plonger dans un océan de réflexions et le pauvre bougre va même tomber amoureux.


Genre vraiment amoureux.


Et ça va un peu chambouler ses plans de gloire artistique, du moins pour un temps, tant sa dulcinée est imprévisible et impétueuse.


Une lecture sur un petit nuage


Côté graphismes, rien de bien fou même si on sent que le tout est maîtrisé. C’est surtout au niveau de la mise en page que McCloud envoie de la terrine de pangolin ! A travers deux de ses œuvres, L’Art invisible et Making Comics, l’auteur a abordé et assimilé des concepts théoriques et pratiques de la sémiologie de la bande dessinée, et il les met parfaitement en œuvre ! Les successions des cases font figurer les ambiances et les affres du personnage principal de manière impressionnante. On ressent clairement sa profonde tristesse ou son euphorie. Les personnages sont vrais, bien caractérisés.


La représentation du temps dans l’œuvre de McCloud est vraiment impressionnante. Il nous avait déjà présenté ses six enchaînements dans « L’Art invisible », en précisant que chacun offrait une possibilité narrative (dans l’ordre, enchaînement de mouvement à mouvement, enchaînement d’action à action, de sujet à sujet, de scène à scène, de point de vue à point de vue et enfin la solution de continuité). D’une case à l’autre on comprend tous les changements de scènes, de jour, de saisons, on saisit la création de la longueur des moments, le tout parfaitement maîtrisé. La narration en est rendue extrêmement fluide, subtile et précise à la fois.


Le talent de Scott McCloud est tel qu’il réfléchit intensément à tout le déroulement narratif et à la gestion de la mise en page selon la pagination elle-même. Un des temps forts se trouve au détour d’une double page complète, utilisées autant pour signifier la complexité et la multitude de choses à montrer que pour marquer le lecteur quant à l’importance de la scène.


A plusieurs reprises, McCloud nous offre des scènes absolument époustouflantes, la découverte des pouvoirs de David et son accord pour le marché faustien, la rencontre avec sa muse, Meg. Tout s’enchaine merveilleusement bien de la première à la dernière case.


J’ai eu la chance de croiser le monsieur lors d’une dédicace en librairie et j’ai une réponse que vous attendez tous : non, le personnage de l’oncle Harry n’est pas basé sur Stan Lee ! Moi aussi ça me turlupinait, mais en fait il n’y a aucun rapport, le modèle pour ce protagoniste est en réalité le père de madame McCloud, qui ressemble étrangement à Robert de Niro.


Le succès de ce roman graphique est tel N°1 des ventes sur le réseau de librairies Canal Bd au moment où j’écris cette critique) qu’une adaptation cinématographique semble être en discussion, et ça à l’air plutôt bien parti.

Spider-Jojo
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le 1 avr. 2015

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Spider-Jojo

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