Le Sculpteur
7.4
Le Sculpteur

Roman graphique de Scott McCloud (2015)

L'huile de Cloud, ça ne suffit pas

Ce récit très travaillé donne une impression de structure mais se révèle vite décousu, tape-à-l’œil et creux. Tous les efforts d'un chapitrage en trompe-l’œil n'y font rien : Le Sculpteur, malgré toute l'ingéniosité et le luxe d'effets graphiques dont il fait presque l'étalage, n'évite pas les écueils d'un cruel manque d'unité et surtout de l'insipide vacuité de son propos. Cela mène à un résultat bien pauvre, décevant, fourmillant littéralement de clichés. Un récit à l'image de son protagoniste, Faust moderne qui a entre ses doigts toute possibilité de faire une sculpture rêvée mais passe totalement à côté...


C'était pourtant alléchant, d'entrée, cette question sur la capacité de créer : que faire, quand on donne à un artiste les moyens de faire l’œuvre qu'il souhaite? Avoir le pouvoir de faire une œuvre, est-ce encore aboutir? Rapidement la narration peine à exploiter vraiment cette idée, patine, traîne et s'enlise sans trouver de solides accroches. L'histoire d'amour, centrale, est assez fade, improbable, et autant le dire totalement niaise ; le personnage principal est aussi incroyablement inconsistant. Et on s'enlise dans mille et une circonvolutions autour de l'art et de son rapport avec la jeune fille et la façon dont il la perçoit sans que cela ne trouve de réelle profondeur. On se perd dans les historiettes de personnages secondaires sans grande densité, évoluant dans un monde de l'art très stéréotypé à travers des d'épisodes vraiment dispensables.


Bien-sûr, avec McCloud aux commandes, c'est bourré de recherche graphique, mais ça ne prend pas vraiment : le dessin n'est pas toujours à la hauteur et surtout les effets ne semblent pas suffir à combler les béances de la narration, les errances du propos, la véritable glu narrative qui fait le fond de cette histoire. Quelques pages, notamment à la fin, rappellent l'explosion graphique chez Seth dans les moment difficiles de Georges Sprott (les derniers moments de GS.) ou les délires à la Dash Shaw lors de prises de substances variées, ont bien du mal à prendre à cause de cette lourdeur. Peut-être y'a-t-il finalement dans le Sculpteur plus de pédagogie que de naturel, plus d'effets que de fond, plus d'intelligence froide que de virtuosité, plus de recherche que de véritable finalité : McCloud semble être tombé dans un travers qui pourtant a fait la réussite de ses BD critiques.

Zaul
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le 23 mars 2015

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