Scott McCloud est un auteur dont les oeuvres me sont relativement étrangères : le connaissant en majeure partie pour sa contribution théorique et conceptuelle dédiée à la bande-dessinée, entreprise à laquelle il s'était essayé dans L'Art Invisible, Le Sculpteur fut donc ma première introduction au style McCloud. Bien que le titre comporte certains écueils, ce dernier n'en demeure pas moins un récit efficace qui se donne les mesures de sa fin.
On pourrait aisément reprocher à cette bande-dessinée de sombrer dans un pathos facile, dont les procédés scénaristiques inhérents au style sont employés et ré-employés jusqu'à usure et auto-destruction depuis l'émergence littéraire. Chaque page est une nouvelle occasion pour McCloud de crever davantage le coeur déjà flétri et fragile du lecteur, conditionné dès les premières pages à l'empathie pour David Smith, loser invétéré, artiste écorché vif qui ne cherche à briller que par et pour son art : A bas l'argent, la mode, tous pourris, une phrase qui aurait pu être soit prononcée par un communiste aigri, un indéboulonnable abstentionniste ou tout simplement par notre protagoniste principal. Il va sans dire que le premier contact relève du cocasse, voire du burlesque. La critique de la méthode scénaristique ne m'empêche pas pour autant de ne pas avoir été ému durant cette lecture : comme le dit souvent un ami, plus c'est méchant et gratuit, plus c'est drôle : rire aux larmes d'une personne un peu enrobé ou d'un événement tragique, ne nous prive pas a posteriori et avec un certain recul, de se dire que "c'était peut-être un peu salaud". Même logique pour Le Sculpteur : c'est émouvant, mais c'est très facile.
Il serait cependant malhonnête d'omettre que ce pré-bilan ne fasse partie du rouage scriptique ébauché par McCloud, qui au travers d'une relecture atypique du Faust de Goethe, dessine une philosophie de vie qui trouve source auto-biographique. C'est là l'intérêt de cette bande-dessinée, plus que l'intrigue qu'elle propose : la confrontation de l'homme à sa finalité ; le choix d'un tel fil conducteur n'est pas le plus avisé, du fait peut-être de l'inconstance de la question ou certainement de sa récurrence dans l'art en général : se démarquer et construire une oeuvre ne serait-est ce que singulière est une tâche ardue. Le Sculpteur n'est certainement pas sculptée dans le bois de la singularité, mais elle n'est cependant pas faite du marbre de l'inachèvement.