L’aval est la vie
Quasi inconnu en France, l’Américain Ryan Andrews n’est pourtant pas tout à fait un nouveau venu dans la bande dessinée, ayant été deux fois nommé pour les Eisner Awards. Aujourd’hui, il vit au...
le 5 août 2020
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Si cette citation est anonyme, elle semble résulter de la lecture de ce roman graphique de Ryan Andrews. Loin d'être familier de l'auteur, j'ai avant tout pris ce livre pour mon fils de 8 ans sur les conseils écrits de mon libraire.
"Une aventure poétique à hauteur d'enfant. Une nuit magique où plane l'ombre d'Hayao Miyazaki."
Oh l'autre ! Bon et la quatrième de couverture qui m'en rajoute une couche tout en comparaisons flatteuses, mentionnant en plus Edgar Allan Poe et Lewis Carroll, rien que ça ! Mais dites donc, ne serait-ce pas un peu trop aguicheur tout ça ?
En tout cas, mon petit a été séduit puisqu'il a avalé les quelques 300 pages dans la soirée. Les images, l'aventure, le côté improbable des rencontres de nos jeunes héros.
Son moment préféré : "La sorcière !" Son ressenti : "C'est beau (graphiquement), surtout la fin."
C'est donc confiant avec un soupçon de méfiance que je démarrais les premières pages. Et autant le dire tout de suite, le soupçon de méfiance n'a pas fait long feu. Quelle immersion ! L'enchainement des vignettes est agréable, fluide comme ce groupe d'amis décidant d'aller se perdre à l'endroit où échoueront ces lampions, déposés tous les ans sur le lit de la rivière par les habitants du village, à destination soit disant des étoiles.
Un rituel symbolique, point de départ de ce coup de tête, de ce pacte de gosses, prêts à repousser les frontières de leur monde. Il y a du E.T. dans ces vélos filant vers l'inconnu, du Goonies derrière chaque coup de pédales quand le petit groupe prend la route. Et le parallèle avec ces œuvres encrées dans la jeunesse des natifs des années 80 dont Andrews semble faire partie n'est pas anodin. En quelques bulles d'échanges entre nos héros gonflés à blocs sur leur fidèle destrier, l'auteur réussit à me replonger pas mal d'années en arrière, bout de carton entre les rayons pour singer le bruit des mobylettes, discussions sur les jeux-vidéos et décisions stupides car, faire partie de la bande compte plus que tout. Pourtant, très vite, la bande s'essouffle, se délite, et l'aventure ne se vivra pas avec ceux que l'on pensait.
Quelques pages et j'étais séduit. Le dessin bien sûr, les nuances de bleus, mais surtout, ce petit lampion interne qui venait de s'allumer. L'aventure du bout de la rue, du prochain tournant, si facilement accessible pour peu qu'on ne tire pas sur le frein. Volontairement ou non, Ryan Andrews touchait à mon passé simple. Et jusqu'à la clôture de ce premier chapitre où s'esquisse cette nuit surnaturelle, j'avoue que tout n'est que perfection, du regard d'un rocher jusqu'à l'ironique phrase annonciatrice du périple imminent.
Un démarrage en trombe, mais un démarrage générateur d'attente. Et lorsqu'un livre vous ouvre à un nouveau monde que vous avez l'impression de déjà connaître, vous espérez que ce sentiment vous accompagnera jusqu'à sa conclusion.
Si la forme reste à un niveau exemplaire de détails, de simplicité et de beauté, jouant perpétuellement sur les tons et les ambiances à mesure que nos héros vont de rencontres en défis, s'aventurant plus loin vers l'inconnu, les enjeux sont quant à eux assez faibles. Pour autant, on s'émerveille des trouvailles associées aux personnages qui jalonnent le parcours initiatique de ses explorateurs en herbe, on sourit face à l'humour délicat qui ponctue le récit et on reste touché par les liens d'amitié fragiles de deux gamins que le sentiment d'appartenance avait éloigné. La bêtise de l'adolescence et l'effet de groupe sont doucement mis à mal pour notre plus grand plaisir et c'est de nouveau, par moment, que quelques souvenirs peu glorieux remontent à la surface.
Le serment des lampions est indéniablement un livre qui mérite d'être ouvert, pour le coup de crayon de son auteur aussi habile dans l'enchaînement des vignettes que dans la contemplation de paysages pleine-page, mais aussi pour ce petit clin d'œil à l'imaginaire enfantin, celui qui transforme une ombre en monstre, celui qui imagine tout un nouveau monde derrière une colline, dans un épais brouillard ou au fin fond d'une grotte, au-delà des limites rassurantes de notre quotidien.
Et c'est au terme de ce trajet dans les roues de Ben et Nathaniel que j'ai recroisé le regard de Ben, sur la couverture. Ce regard que j'ai vu d'un autre œil. Ce regard qui me somme malicieusement de le suivre, de lui faire confiance, de me lancer dans l'aventure. Ce regard qui fait de moi Nathaniel et qui me fait dire, au terme de cette histoire, que je devrais parfois l'être plus souvent, comme il y a longtemps, où tout un nouveau monde se cachait derrière une colline.
Pour les enfants, une épopée dépaysante et enchanteresse où la nuit se découvre à chaque page, d'étoiles en lampions. Bien plus qu'un 7/10.
Pour les enfants en sommeil dans les adultes, un rappel à ce petit interrupteur qui est toujours là et sur lequel on oublie parfois d'appuyer, quitte à ne mettre qu'un 7/10.
Créée
le 17 janv. 2022
Critique lue 106 fois
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