Un petit bijou à lire absolument!

Je dois avouer avoir eu des réticences à commencer cette lecture. Le thème de la vie sous l'Occupation est quand même très casse-gueule et on a vite fait de tomber dans le pathétique le plus profond (nous étions tous des collabos et repentissons-nouuuus!!) ou au contraire dans l'exarcerbation de la flamme patriotique et de la résistance, Ô combien glorieuse, périlleuse et suivie par le peuple français dans son intégralité!

Fort heureusement j'ai surmonté mes a prioris et entamé la lecture de ce petit bijou. "Le sursis" nous transporte dans le quotidien d'un petit village français avec son bar-café, sa jolie serveuse et les gens qui discutent en terrasse. Jusque là rien de bien extraordinaire si ce n'est la présence de miliciens. Toujours rien de particulièrement transcendant me direz-vous sauf que tout cela, le café, la serveuse, les discussions, nous le voyons par le biais du regard extérieur d'un homme qui se cache. Julien Sarlat a fui la guerre et se terre dans le village. L'angle pris par l'auteur est original et le scénario tient la route de bout en bout. Il est véritablement tout en justesse, en finesse et on pourrait pratiquement dire tout se déroule "sur le fil du rasoir". La guerre est loin, mais néanmoins omniprésente et on la sent même dans les moments de joie. L'auteur parsème d'ailleurs son oeuvre de petits rappels afin de maintenir la tension que l'on ressent à chaque instant, faisant clairement apparaître, avec une justesse rare, le quotidien de villageois sous l'Occupation.

C'est sur ce fond d'une certaine manière assez violent que l'on suit l'histoire d'amour entre Julien et Cécile. Cela nous rappelle que l'amour n'a pas connu de parenthèse durant la guerre et c'est tout en finesse et en subtilité que nous suivons les amours de Julien et Cécile. Leur histoire est néanmoins bien ancrée dans le contexte de l'Occupation et l'on ressent une tension presque palpable malgré l'apparence de tendresse. L'opposition permanente entre la réalité et les aléas de la vie amoureuse de ces jeunes gens rend à mon goût l'histoire beaucoup plus intense.

Quant aux dessins ils sont pour ainsi dire tout simplement sublimes. Les couleurs apportent une touche de gaieté et l'on est parfois presque tentés d'oublier que c'est la guerre. La qualité artistique est un atout certain de cette bande dessinée et rend à mon sens les personnages beaucoup plus forts, beaucoup plus présents (on s'attend pratiquement à voir Cécile sortir des pages et nous offrir à boire).

Le seul reproche que je pourrais trouver à cet ouvrage est le manque de profondeur de la psychologie des miliciens. On ne sait rien d'eux ni de leurs motivations. Un travail plus approfondi sur ce point aurait pu être un plus intéressant.
Malgré cela, "Le sursis" est une BD comme on n'en voit pas souvent à lire absolument et à conseiller au plus grand nombre!