Visiblement, j'ai été un des seuls à avoir vraiment été convaincu par cette aventure, peut-être pas des plus originales, il faut en convenir, mais formidablement bien menée. La force première de cet opus est, à l'image des albums réalisés d'E.P. Jacobs, la richesse de ses connaissances qui fait la solidité de son intrigue. Opus érudit proposant des enjeux tout à fait probables, ce Testament de William S. développe une énigme, il faut l'avouer plutôt éloignée de l'esprit de la BD originelle, mais vraiment emballante. Si Blake est en retrait (il a peu sa place dans une telle histoire), on apprécie de voir le rôle joué par Olrik, sollicité pour ses qualités d'érudition. On retrouve ainsi le premier Olrik d'E.P. Jacobs, dangereux car finement intelligent, même s'il ne fait que traverser quelques planches.
Les amateurs de science-fiction et de fantastique seront forcément déçus car on est ici dans une intrigue purement policière, voire cérébrale, ce qui n'est pas, pour ma part, pour me déplaire. Mortimer, qui est plus posé mais dont les relations avec les "femmes" sont enrichies à chaque nouvel album d'Yves Sente, occupe une place déterminante. C'est lui qui, comme souvent, parcourt le monde (l'Italie pour l'occasion) et qui résout, en charmante compagnie, la formidable énigme proposée. L'atmosphère est particulièrement réussie avec l'intégration des Teddys terrorisant les participants aux soirées mondaines londoniennes, d'un côté, et différents endroits d'Italie dont Venise la romantique, de l'autre.
On peut estimer qu'on est loin de La Marque jaune ou du Secret de l'Espadon, certes, mais le dessin est de qualité, l'intrigue passionnante, les personnages s'épaississent d'épisode en épisode et le résultat ouvre de véritables perspectives pour de nombreux albums à venir. Le travail d'Yves Sente est, à ce titre-là, vraiment intéressant et le dessin d'André Juillard, même s'il est parfois décrié, me semble toujours d'une remarquable justesse. Un excellent opus donc à mes yeux.