Ce tome fait suite à Dick Hérisson, tome 6 : Frères de cendres (1994) qu'il n'est pas nécessaire d''avoir lu avant. La première édition date de 1996. Il a été réédité dans Dick Hérisson - édition intégrale volume 2 qui regroupe les tomes 6 à 10 (sans le 11). Il a été réalisé par Didier Savard, pour le scénario, dessins et encrage. Il compte 50 planches de bande dessinée.


À Arles, la femme de ménage entre dans le musée Réattu (10 route du Grand Prieuré). Arrivée dans une des salles d'exposition, elle pousse un cri interminable. La police arrive sur les lieux quelques temps plus tard et le commissaire Caragnoux examine le cadavre découvert par la femme de ménage, avec 2 de ses hommes. Dick Hérisson & Jérôme Doutendieu arrivent eux aussi dans le musée. La victime a eu le crâne fendu en deux comme un melon, d'un coup de hache, comme la scène biblique représentée sur le tableau sur le mur. Il y a même des traces de sang sur le tableau. Henri Mortaille, le conservateur, vient se présenter au commissaire Caragnoux, estimant qu'il n'aurait jamais dû exposer le tableau. Il s'agit d'une œuvre réalisée par le peintre italien Arminius Valdo. Le commissaire, le détective et le journaliste sortent et dans la rue, Caragoux leur montre le papier qui a été retrouvé dans les poches de la victime. Il y est mentionné trois endroits où se trouve une œuvre de Valdo : une au musée de Réattu à Arles, une au Musée des Beaux-Arts à Nîmes, et une chez un collectionneur Léonid van der Houten à Nice. Hérisson & Doutendieu décident de se rendre au musée de Nîmes. Ils font le tour des salles d'exposition et finissent par trouver la place du tableau Martyre de Saint-Sébastien, d'Arminius Valdo (1502-1568), mais le tableau n'est pas accroché. Ils vont trouver le conservateur et exige de savoir ce qu'il est advenu du tableau. Il les emmène à l'atelier de restauration et ils découvrent Borniolles mort, transpercé de flèches.


Suite à cette découverte macabre, Hérisson décide d'appeler monsieur van der Houten et il lui explique qu'il n'est pas fou mais qu'il faut qu'il s'éloigne immédiatement de son tableau de Valdo. Effectivement le collectionneur le prend pour un fou, mais son corps est retrouvé décapité par la femme de ménage le lendemain. Dick Hérisson & Jérôme Doutendieu décident de rendre visite à Henri Mortaille pour qu'il leur en dise plus sur ce peintre italien. Il retrace la vie mouvementée d'un artiste accusé d'hérésie à la fin de sa vie, mort en maudissant ceux qui approcheraient de ses tableaux, dont les œuvres et les biens ont été confisqués par l'état. Hérisson lui demande s'il croit vraiment à la malédiction de Valdo. Il répond qu'il n'y croit pas mais que trois personnes ont déjà été retrouvées assassinées à côté d'un de ses tableaux. Dick Hérisson se dit qu'il faut contacter au plus vite les autres possesseurs d'une de ses toiles. Henri Mortaille accepte d'insérer un article dans la presse annonçant que le musée Réattu va organiser une rétrospective de l'artiste. Quelques jours plus tard, un antiquaire de Tréguier (dans les Côtes-d'Armor) se fait connaître. Hérisson & Doutendieu décident d'aller le voir. Ils arrivent alors que l'antiquaire vient juste de vendre le tableau.


Le tome précédent racontait une enquête dans laquelle Hérisson & Doutendieu avaient toujours un train de retard avec une fin très noire. Ce tome commence comme d'habitude à Arles avec une série de meurtres atroces avec une mise en scène macabre. Dans la première page, le lecteur peut admirer une partie des quais de la ville avec le Rhône au premier plan dans une case de la largeur de la page qui transmet l'impression de longueur à la fois pour le fleuve et pour le musée Réattu. Le lecteur peut compter sur l'artiste pour montrer des éléments urbains et architecturaux fidèles à la réalité : l'intérieur et l'extérieur du musée Réattu, pareil pour le musée des Beaux-Arts de Nîmes, la gare, l'église et les rues de Tréguier (chef-lieu de canton du département des Côtes-d'Armor), le splendide manoir de la famille Kercroix avec son cellier, son caveau et la crypte souterraine, ou encore un vieil hôtel désolé au bord de l'océan. L'artiste est passé maître dans l'art de reproduire fidèlement ces bâtiments, de les détourer avec un trait modulé qui rend compte des irrégularités des contours, avec de courts traits à l'intérieur figurant la texture des matériaux de construction et de finition, faisant montre d'un savoir-faire digne d'EP Jacobs et de Jacques Martin. Le lecteur voyage ainsi dans des lieux om il peut laisser son regard s'imprégner des détails, s'y projeter.


Comme à son habitude, Didier Savard reprend les artifices des romans policiers du début du vingtième siècle avec des assassinats dont la mise en scène sensationnelle, macabre et sordide laisse supposer qu'ils sont l'œuvre d'un esprit dérangé : un crâne éclaté par une hache, un individu décapité, un corps fiché dans un pilier en bois à l'aide de flèches, un homme mort noyé surpris par une marée galopante. Il ne s'agit pas d'une bande dessinée gore pour autant, car les dessins ne montrent pas les blessures et les plaies en gros plan. Au contraire, Savard recouvre le premier corps d'une bâche, le second est montré en plan large dans son atelier, l'œil du lecteur étant plus attiré par les nombreux outils du restaurateur, le dessin du troisième ne montre pas la tête tranchée, ni même le cou sectionné. Il attire plutôt l'attention du lecteur sur la mise en scène en montrant les tableaux dont s'inspire le crime : le martyre de Saint Sébastien, Salomé avec la tête de saint Jean-Baptiste. Cet élément rehausse le caractère sensationnel des meurtres, propre à marquer les esprits. Planche 9, Hérisson & Doutendieu sont assis dans le bureau du conservateur adjoint Henri Mortaille et l'écoutent raconter l'histoire du peintre fictif Aminius Valdo (1502-1568), l'auteur développant l'aspect historique de son récit avec cet artiste ayant vécu au temps de la Réforme. Le lecteur se laisse entraîner avec plaisir dans cette enquête évoquant celles de Harry Dickson (un détective américain recréé par Jean Ray, de son vrai nom Raymond Jean Marie De Kremer, 1887-1964).


Le lecteur apprécie également que Didier Savard ne reste pas dans l'hommage basique, reprenant un personnage en lui changeant juste de nom. À nouveau dans ce tome, Dick Hérisson est un archétype de détective privé sans beaucoup d'autre personnalité que d'être posé, capable de passer à l'action et de faire des déductions. Il en va de même pour Jérôme Doutendieu. L'auteur ne dit rien sur leur vie privée, sur leurs convictions, sur la manière dont s'est développée leur amitié. Il leur a imaginé une apparence facile à mémoriser. Ils changent de vêtements en fonction du temps et du moment de la journée, mais ils ne font pas l'objet d'une étude de caractère, et ils n'évoluent pas d'une enquête à la suivante. Après coup, le lecteur se rend compte qu'il ne peut pas non plus les qualifier de héros d'action car finalement ils ne tirent pas de coup de feu, ils ne se battent pas, ils ne courent même pas. Si les deux personnages principaux restent assez monolithiques, les personnages spécifiques au récit ont une apparence plus marquée, parfois teintée d'une touche légère de caricature. Henri Mortaille est un petit monsieur dont le visage porte la marque de l'inquiétude permanente. Mathilde est une belle jeune femme, bien habillée, sans ostentation, s'étonnant avec élégance, un peu en retrait, laissant les hommes mener les discussions et les actions. Savard les anime d'émotion sans les ridiculiser, les rendant plausibles et concrets.


Alors que l'enquête progresse, le lecteur apprécie l'humour discret de Didier Savard. Planche 16, Mathilde Kercroix écorche le nom de Doutendieu, comme pouvait le faire Bianca Castafiore avec celui d'Archibald Haddock. Elle l'appelle Espérendieu, ce qui confirme la référence au personnage de Robert Espérandieu dans Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec de Jacques Tardi. L'inspecteur Caragnoux indique à Doutendieu qu'il espère bien que le journaliste ne donnera pas dans le titre racoleur et sensationnaliste (genre : les tableaux qui tuent) et les circonstances font qu'il le fait. Quelques expressions de visage prêtent également à sourire : un policier peu commode (planche 34), des usagers d'une bibliothèque agacés par la voix trop forte de Doutendieu (planche 36), le criminel confronté à l'absence de trésor (planche 42). L'enquête se déroule de manière fort agréable, Didier Savard alliant avec élégance les moments incongrus et inquiétants (les cadavres, la voiture recouverte par les flots, l'hôtel déserté), avec de très beaux paysages (la chaussée pavée à demi immergée par les flots, la promenade dans l'immense parc du manoir des Kercroix, la marche sur la lande rocheuse pour rejoindre l'hôtel, la découverte du caveau sous le mausolée).


Ce tome propose une nouvelle aventure du détective Dick Hérisson et de son ami journaliste Jérôme Doutendieu, archétypes de héros enquêteurs confrontés à des crimes commis selon un mode opératoire à sensation. Didier Savard est un auteur complet, emmenant son lecteur dans des endroits réels et superbement montrés, pour une enquête bien fournie qui repose sur les mystères plus que sur l'action. Un récit de genre qui en maîtrise toutes les conventions et qui rend hommage à ses inspirations de manière intelligente sans être servile.

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le 30 avr. 2020

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