De longs rêves, de (très) courtes histoires...

Je ne connaissais Junji Ito que de nom et via quelques illustrations très célèbres, la plupart issues de Spirale, me semble-t-il. Irrémédiable amoureux d'épouvante, d'horreur, de bizarre et de malsain, je me suis dit qu'il était peut-être temps d'enfin me plonger vraiment dans son univers et de voir ce qu'il avait dans le ventre. Et j'ai donc commencé par ce recueil d'histoires courtes. Et c'est pas mal du tout mais il y a quand même à redire!

Je pense que le problème que j'ai eu en lisant ces courtes histoires, c'est le rythme un peu effréné de leur déroulement. La plupart ont un pitch de départ aussi intéressant que certains des meilleurs épisodes de la Twilight Zone, ou qu'une nouvelle d'un Edgar Allan Poe, ou même qu'un bon roman de King. Sauf qu'ici, Ito prend environ une trentaine de pages pour résoudre chacune d'entre elles. Et autant, je suis le premier à reprocher à la plupart des mangas de partir en cacahuète sur des dizaines et des dizaines de volumes en ayant plus rien à raconter assez rapidement avec leur pitch de base, autant des one-shots aussi courts sont précisément un peu trop courts pour avoir le temps de se développer. Aussitôt le prémisse est lancé, aussitôt est-il résolu. Et si souvent, la résolution pourrait être satisfaisante - je trouve que les fins sont toutes vraiment bonnes en elles-mêmes - le déroulement ne laisse aucune place à la spéculation parce qu'il est trop ramassé. Ce qui est ultra-dommage dans la mesure où j'ai vraiment aimé et frissonné à chacune des idées présentées en tant que telle dans chacun des récits de ce recueil. Moi qui ait déjà vécu l'expérience de me réveiller dans mon propre rêve et de ne pas parvenir à en sortir, je peux vous dire que la première histoire me provoque des sueurs rien qu'avec son synopsis. Seulement voilà, ça va un peu vite...

Contrecoup de cette brièveté, les récits sont si écrasés que, souvent, Ito écrit des dialogues d'exposition qui en expliquent beaucoup trop d'un coup pour avoir l'air crédibles. Cela s'ajoute à un peu de maladresse d'écriture de certaines parts; typiquement des bulles de pensées un peu trop appuyées ou des "J'AI PEUR"..et c'est d'autant plus surprenant que ça donne l'impression que Junji Ito ne fait pas confiance à son second atout: le dessin.

Ce qui est une folie douce! Parce qu'en terme d'expressivité des visages, d'utilisation des hachures, des ombrages et de création horrifique pure, ça en jette vraiment. Certains dessins sont cauchemardesques et en disent bien plus et surtout bien mieux que la plupart des bulles. L'artiste gagnerait à avoir des pages vides de tout phylactère où son crayon prendrait le pas.

Il reste que je pense avoir bien fait de commencer avec ce titre qui offre un panel assez large des idées horrifiques de Ito. Ça oscillent entre le très dérangeant et le plus évocateur. Surtout, c'est avant tout la qualité du trait qui brille. Par contre, j'espère que sa plume devient aussi fine que son crayon lorsqu'il a plus de place pour s'exprimer, parce que sur des histoires très courtes, il a tendance à un peu se perdre en explications.