Après avoir proposé en 2007 une passionnante biographie de l'écrivain Bernard Traven, Golo nous offre aujourd'hui celle de Panaït Istrati, écrivain roumain du début du 20ème siècle.
Si le premier affirmait "Ma vie m'appartient, seuls mes livres appartiennent au public", c'est à une toute autre conception de la littérature que se confronte Golo. Celle d'un écrivain dont les livres sont gorgés du vécu de leur auteur. C'est cette vie emplie de rebondissements, de rencontres et de voyages que nous découvrons dans ce premier tome intitulé Le Vagabond.
Le livre démarre par l'annonce de la mort de l'écrivain en 1935, qui amène le journal L'Humanité à écrire dans sa chronique "(...)cet ex-écrivain révolutionnaire est mort en Roumanie dans la peau d'un fasciste". Panaït Istrati, homme défendant le peuple, s'était permis de critiquer le régime soviétique dans un livre tiré d'un voyage en URSS. La presse communiste ne le lui pardonnera pas. C'est à la lecture de cette peu flatteuse éloge funèbre qu'une journaliste, Juliette Pary, décide de mener une enquête sur ce que fut réellement la vie de l'écrivain.
C'est cette vie avant l'écriture que Golo nous conte avec enthousiasme et force romanesque. Si le récit peut se prévaloir de nous faire voyager de la Roumanie à la Turquie, en passant par la Grèce et l’Égypte, nous offrant un véritable éloge du dépaysement, il puise sa beauté dans les nombreuses rencontres qui vont forger l'identité de Panaït Istrati: Codine, le capitaine Mavromati, Kir Nicolas ou Mikhaïl. Autant de personnages qui apparaissent complexes, intransigeants, blessés mais magnifiques. L'amitié n'est pas un vain mot dans ce parcours sinueux. Passer un moment avec l'autre y devient un véritable engagement. "Je ne reconnais qu'une seule naissance, une seule fraternité: celle des hommes qui sont mus par des sentiments semblables, dans le bien ou dans le mal".
Golo est un véritable conteur. Lire ses Mille et une nuits au Caire suffit à s'en convaincre. Il atteint avec Istrati une fluidité narrative inouïe. On est happé de bout en bout par cette lecture, qui avance à la manière d'une discussion à la richesse insoupçonnée. Le flot de parole semble ne jamais cesser, et le dessin devient écriture afin de mieux l'accompagner. Aucune interruption ne vient ralentir cette vie faite de passion, de compromission, d'errances. On est subjugué par l'intelligence, la légèreté et l'esprit de synthèse dont a su faire preuve Golo pour transformer une œuvre dense en un plaisir de lecture aussi délicat.
Plus encore qu'une biographie d'un écrivain, Istrati, 1. Le vagabond, se lit comme un récit bouleversant sur l'existence et le sens que l'on cherche à donner à celle-ci.
Bruno