On ne choisit pas sa famille, ni sa date de naissance, mais avouons que le tirage au sort qui vous faisait naître alsacien en 1926 n’était pas très heureux. Marcel Grob avait 17 ans en 1944, l’âge de l’incorporation. Or, la Waffen SS manquant de recrues, une partie du contingent lui fut attribué.
Marcel Grob est aujourd’hui un vieillard. Il a tout oublié... jusqu’à ce qu’un mystérieux juge le convoque et le confronte à son passé. Une charmante greffière prend un ton (trop) solennel pour le rappeler à l’ordre : « La raison d'être du juge, c'est d'aller chercher celles et ceux qui se sont abîmés dans les périphéries de l'existence. Il est là pour sonder la vérité de votre âme. Nous cherchons la réparation. Nous sommes au-delà du bien et du mal Monsieur Grob. Ayez en vous la vertu et la force d'ouvrir votre coeur. »
La mémoire lui revient. Le dessin ocre épuré de Sébastien Goethals des premières pages, prend un aspect réaliste pour ses souvenirs, traités aux lavis. Les changements de couleurs s’adaptent aux situations. Le dessin est beau, les visages expriment tensions, douleurs et la peur.
Marcel rejoint une unité de combat en Italie. Les premiers déserteurs sont froidement exécutés et leurs familles déportées. Sa compagnie encercle le village de Marzabotto et massacre des centaines d’habitants, femmes, enfants et vieillards confondus. Les anciens, des cadres nazis initiés à la sauvagerie du front de l’Est, observent les recrues, vont-elles tirer ? Marcel voulait vivre, il a tiré. Qu’auriez-vous fait à sa place ?
Propre grand-oncle de Philippe Colin, Marcel Grob décéda en 2013 sans répondre aux questions de l’historien. Depuis, le journaliste a enquêté. Contrairement à nombre de bandes dessinées, dites historiques, qui jouent avec la fascination guerrière, il limite les combats au minimum, ils sont brefs et violents. Marcel baisse la tête, saute, court et sauve son chef. Le scénario est habile et évite le manichéisme. Bien que SS, son chef de section est révulsé par l’exécution des civils. Le général, faussement débonnaire, Otto Baum, apprécie le football et protège un temps, le jeune Marcel. Un but marqué au bon moment, lui permet d’être retiré du front, la vie tient à des hasards. Une lecture salutaire...