Pendant que le « trône de fer » repart pour une
nouvelle saison en compagnie de sa kyrielle de
chevaliers autoritaires, de démons inquiétants, de
politiciens manipulateurs, de femmes vénales et
d’hommes assoiffés de pouvoir, la bande dessinée
nous prouve une fois de plus, que dans le genre, elle
aussi a des choses à dire !
Les trois fruits donc, est l’œuvre du jour. Aux
confins d’un monde imaginaire, le roi, sentant sa
mort approcher, cherche un moyen de vivre éternellement.
Il promet ainsi la main de sa fille à un
mage effrayant en l’échange de la vie éternelle. Un
marché terrifiant. Afin que le remède contre la
mort puisse agir, les trois fils du roi devront prouver
leur valeur à leur père. Celui-ci les envoie alors
aux quatre coins du royaume accomplir une quête
et leur fait croire que le plus valeureux d’entre eux
héritera du trône à son retour.
Pour l’ambiance de cette BD complexe, on lorgne
clairement vers les contes classiques européens. En
effet, l’influence de Perrault ou des frères Grimm
est très présente. Les thèmes de la peur face à la
mort sont abordés par l’intermédiaire de ce père
qui n’hésite pas à basculer dans la folie et mettre en
péril sa descendance, son royaume et tout ce qu’il
a bâti pour éviter la grande faucheuse. Ce personnage
est central dans la narration par cette question
qu’est l’acceptation de sa finitude et nous renvoie
à notre propre condition de simple mortel. Nous
sommes donc très loin de la vision idyllique d’un
Disney, les fils du roi entretenant le mythe en se
mettant eux-mêmes en danger, affrontant cette
mort pour récupérer le pouvoir détenu par le père.
Et pendant ce temps-là, les femmes veillent. Elles
sont les garantes d’une certaine idée raisonnable des
erreurs à ne pas commettre. Le courage dont elles
font preuve face à la folie de leurs frères, maris ou
amants est d’un contraste remarquable avec le reste
des personnages.
Les trois fruits est donc un album assez étrange, absolument
envoûtant par la poésie mélancolique qui
s’en dégage et par son cynisme ambiant et froid,
superbement écrit et parfaitement exécuté d’un
point de vue graphique. Les cases (ou les tableaux,
on ne sait plus trop) reflètent à la perfection les sentiments
et les tortures intérieures des protagonistes.
Après « la peau de l’ours », Oriol et Zidrou récidivent
et visent donc une nouvelle fois au bon
endroit. Bluffant.