Les 4 As et le Serpent de Mer constitue le quatrième des six romans d’aventure publiés par Georges Chaulet et François Craenhals entre 1957 et 1962. Deux ans plus tard, en 1964, les mêmes auteurs adaptent cette aventure en BD, la première de la série des 4 As.
Le scénario est détonant : c’est la première chose qui frappe, l’intrigue est truffée de bonnes idées. On sent le travail du romancier derrière, adapter une aventure d’une grosse centaine de pages dans le format BD, cela permet un scénario dense et fouillé. Le personnage ambigu du notaire, le problème des deux clochers, voilà autant de petits détails qui montrent que les auteurs ont travaillé leur histoire.
Mais le problème ici, c’est les 4 As eux-mêmes : on a rarement fait aussi inconsistant comme personnages, ce sont quatre stéréotypes sur pattes (le débrouillard, la gourde, l’intello et le glouton). Un retournement de l’intrigue relève un peu la note, lorsque Dina est submergée par les remords et fond en larmes : ce n’est pas de la grande psychologie de personnage, mais c’est un peu moins creux que le reste. Toutefois le bon point ici, c’est que les personnages sont tellement stéréotypés qu’ils en deviennent hilarants. On peut même se demander si ce ne serait pas intentionnel chez les auteurs ...
C’est un peu le doute qui plane sur tout cet album : et si c’était une parodie ? L’intrigue est visiblement une reprise (complètement déjantée) de Tintin, avec Le Secret de la Licorne et le Trésor de Rackham le Rouge. On retrouve tous les éléments : la recherche d’un trésor, le flashback historique sur un pirate (d’ailleurs le meilleur moment de l’album), Claquebec et Artimon sont une copie des frères Loiseau, il y a des gags autour du scaphandre ... Sans oublier que Les 4 As sont publiés chez Casterman, qui édite également Hergé depuis 1934 !
Bref, on finit par se demander très sérieusement si les auteurs n’auraient pas dessiné, hilares, une sorte de Tintin revu au vitriol, l’hommage décalé de deux BDéistes franco-belges débutants au grand Hergé. Une aventure menée par quatre bras cassés, tous raillés dans les grandes largeurs : Lastic assommé de fatigue, Doct incapable de plonger, et Dina naïve au possible. Palme d’or à Bouffi, dont les moqueries passeraient moins bien si elles étaient publiées aujourd’hui (Tu es trop gros pour plonger, Bouffi, ta graisse te maintient au-dessus de l’eau ! On va te lester avec du plomb pour t’envoyer au fond de l’eau ! Hihi, c’est rigolo, un obèse qui flotte !).
Mais peut-être que je vais chercher un peu loin. C’est peut-être simplement une BD qui a très mal vieilli, et dont on retiendra surtout les insultes entre Lastic et Dina, devenues hilarantes : chausse-pied herbivore, papillote opaque, marmite, gramophone rabâcheur, triple nouille mal cuite !