Délicat récit - certes, trouve-t-on des oeuvres de Tanigushi qui ne sont pas subtiles, serait-on tenter de dire ? Mais chaque fois, à chaque livre, une délicatesse se lève au cours de la lecture, de doux échanges entre personnages, une mélancolie finement introduite. Le roman de Kawakami offre son parfait contexte : une jeune femme, la trentaine, bois de temps en temps de verres en compagnie d’un ancien professeur de littérature, qu’elle ne peut désigner autrement que par “le maître”. Pas de liaison passionnée qui s’empare soudain d’eux deux, mais le hasard de retrouvaille parfois dans un même restaurant, à quelques semaines ou mois d’intervalle. Le plaisir de discuter agréablement, le plaisir, pour une fois, de ne pas boire son saké tout seul mais avec une personne de bonne compagnie, la petite joie répétée d’une fois à l’autre. Le livre progresse ainsi d’une rencontre à l’autre, chapitres dédiés à chaque rencontre, et l’histoire s’écoule en détails, en petits événements, en petites pensées de la jeune femme, ces petits moments de mélancolie. Comme un parfum de doux spleen d’une teinte japonaise, le saké partagé chaud, les promenades dans le rue, l’importance du base-ball ou des champignons grillés, le goût d’une promenade en forêt. Oui, je l’ai dit, Tanigushi sait chaque fois offrir de doux moments, sait chaque fois capter les petites inquiétudes ; mais ce livre offre une douceur profonde et mystérieuse, parfaitement ancrée dans le quotidien, et il n’en est que plus touchant…