L'ancêtre des super-vilains

Août 1911.
Après plus de 16 années de traque à travers le sombre dédale de ruelles parisien, Fantômas le génie du crime, le maître des brigands, le boucher sans scrupules est enfin arrêté par les autorités et se retrouve condamné à la peine capitale.
Avant de livrer son dernier soupir sur l’échafaud, il clame d'un ton menaçant devant une foule craintive et fascinée, sa vengeance prochaine sur le misérable peuple de Paris.
Car, par un stratagème des plus astucieux, le véritable Fantômas rôde toujours en liberté au sein d'une capitale à l'ambiance morose et crépusculaire.
Désormais il n'a qu'une idée en tête : la vengeance.
Il veut faire payer à ces aristocrates, ces policiers et ces bourgeois le prix de leur arrogance pour l'avoir osé défier, juger et condamner.
L'impitoyable Fantômas s’apprête à mettre en place le plan le plus ambitieux de sa carrière criminelle : voler tout l'Or de Paris.

Avant d’être le méchant un peu nigaud et ridicule d'une série de films comiques, Fantômas était le génie du mal d'une saga de romans policiers populaires.
Dans ces livres, Le personnage est décrit comme quelqu'un de violent, brillant et sans-pitié qui exerce peur et fascination sur l'esprit des parisiens.

Olivier Bocquet s'est lancé dans l'écriture de La colère de Fantômas dans l'optique de rétablir son ancienne image de vilain insaisissable, psychopathe et misanthrope.

Sur fond d’enquête policière, le récit s'articule autour du quotidien de la vie bourgeoise de Paris en 1911.
Le point de vue alterne entre celui de la pègre, incarné par Fantômas, et celui des autorités, représenté par Juve, Pradier et Fandor.
La narration se base logiquement sur celle des anciens romans-feuilletons de l'époque avec un découpage en chapitre qui se montre des plus convaincants pour entretenir le suspense et tenir en haleine le lecteur.

Mais la principale qualité de cette bd réside dans sa capacité à nous présenter un méchant digne de ce nom et de nous faire découvrir la véritable image du Fantômas « littéraire » avant son déplorable passage au cinéma.

Fantômas est un homme rusé, sadique, torturé, arrogant, au physique imposant et au visage toujours caché derrière un sinistre masque noir qui dirige d'une main de fer, l'ensemble de la pègre parisienne.
Tous les voleurs, tueurs, contrebandiers et autres scélérats sont à ses ordres, partagés entre fidélité, soumission et peur.
Il en va de même pour le reste de la population, trop effrayée à l'idée de devoir travailler à l'encontre de ses intérêts.
Fantômas est le véritable seigneur de la capitale et son pouvoir s'étend bien au delà de l’île de la cité.

Mais la mise en place d'un tel personnage n'est pas sans risque et s'avère être à double tranchant.
En effet, son ombre est si écrasante qu'elle laisse finalement assez peu de place pour les deux autres personnages principaux de l'intrigue : le journaliste Fandor et l'inspecteur Juve.
Malgré les tentatives de l'auteur pour leur fournir un passé et une personnalité, leurs pérégrinations peinent à passionner le lecteur face à l’incroyable aura de fascination qui émane de l'antagoniste du récit.

Pour le dessin, le trait employé par Julie Rocheleau accompagne à merveille le dynamisme de la mise en scène.
Les personnages sont travaillés et expressifs, l'aspect caricatural réussi, l'atmosphère du Paris de l'époque est incroyablement bien restituée et l'omniprésence de couleurs chaudes, agressives et sanguines accentue l'aspect violent de la bd et de Fantômas.

Avec sa narration haletant, son rythme incroyablement soutenu et sa patte graphique stupéfiante, La Colère de Fantômas est une excellente bande-dessinée policière sur l'un des pires salauds de la littérature française.

Un Coup de cœur !

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