Envoûtant, mystérieux, énigmatique, romanesque, mêlant malédiction pharaonique et poison qui rend fou, Les Cigares du pharaon installe une ambiance d'humour et d'angoisse que complètera sa suite, le Lotus bleu, et qui influencera l'Île noire, Les Sept boules de cristal, L'Etoile mystérieuse ou même le Trésor de Rackham le rouge.
C'est aussi l'ouverture du premier réel diptyque des aventures de Tintin, les trois précédents n'offrant qu'une continuité esthétique ou thématique (Capone est trop vite expédié pour que Tintin en Amérique soit réellement la suite de Tintin au Congo).
Et c'est aussi le premier Tintin disposant d'une intrigue recherchée, à la fois policière et pseudo-archéologique.
Dans cette histoire plus développée apparaissent des personnages cultes qui resteront dans les aventures du jeune reporter: Oliveira de Figueira, le sinistre Rastapopoulos (encore considéré comme un type aimable quoiqu'un chouya nerveux et colérique car milliardaire), Alan Thompson et surtout les Dupondt ! Le Pr Philémon Siclone est une sorte de Tournesol avant l'heure et le Sheik Pasha est une sorte de Capitaine Haddock musulman (il se fâche violemment contre Tintin avant de lui proposer du thé pour lui signifier son amitié).
Il est à cette occasion amusant de voir chez cet homme la couverture d'une aventure qui ne sortira que plus tard (Objectif Lune), l'édition des Cigares du Pharaon ayant été remaniée.
Mon album favori est pourtant un Tintin qui se cherche encore et qui s'inspire d'une des sources les plus citées par Hergé lui-même dans Tintin en Amérique ou L'Oreille cassée, à savoir Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle.
Les flèches de poison qui rend fou et le fakir inquiétant ne sont pas sans rappeler l'atmosphère d'épouvante du Signe des quatre et la disparition de l'antagoniste principal du haut d'une falaise, le laissant présumé mort, rappelle le combat mortel à l'issue tragique (ou pas...) du Dernier problème.
Un Tintin à avoir lu, absolument.
Je dirais même plus un tue-tue à avoir l'un...