Le manoir Keyhouse s’est transformé en champ de bataille.
Les enfants Locke découvrent toujours plus de clés magiques dissimulées dans leur ancienne demeure, attisant sans relâche la convoitise du sinistre Lucas Caravaggio.
Et si la vie semble continuer malgré tout à Lovecraft, un fantôme du passé ne va pas tarder à faire resurgir de vieux souvenirs familiaux. Le mystère qui entoure leur père pourrait bien être enfin dévoilé.
A condition que les forces démoniaques ne s’y opposent pas…

« Les clés du royaume » ! Voilà un titre parfaitement bien choisi ! Des clés on va en voir défiler un paquet, en plus de celles que nous connaissions déjà. Une clé pour se transformer en animaux (avec une scène poilante avec Bode, cherchant à deviner quel sera son animal totem), une clé pour changer de couleur de peau (avec une petite réflexion bien placée sur le racisme), une clé contrôlant une boîte à musique contrôlant les gens qui l’écoute, une clé pour avoir des ailes ou encore une clé pour devenir fort comme Hercule.
Comme à chaque fois, Joe Hill laisse libre court à son imagination débordante, nous offrant des clés toutes plus farfelues les unes que les autres. Cela faisant place à des scènes délirantes et toujours magnifiquement belles grâce à Gabriel Rodriguez.

Gabriel Rodriguez qui semble encore avoir passé un palier avec ce tome. Ses personnages sont toujours plus beaux, plus magnifiques, évoluant dans des décors réalistes, crédibles et toujours empreint de l’atmosphère qui s’y rattache. Sombre, oppressant, on navigue dans des endroits peu rassurants et on le ressent.
En plus, on peut voir de très nombreux clins d’œil dans ce volume. Les patients de l’hôpital psychiatrique : N. Adams, G. Ennis, G. Jones ou T. Gilliam ! Le premier épisode est un hommage à Calvin et Hobbes, plus des petits clins d’œil à GI Joe ou Blake et Mortimer. Il nous éclabousse de son talent.

Alors oui, on pourrait se dire que les affrontements entre la fratrie Locke et l’effroyable Lucas Caravaggio sont un peu répétitifs et l’on s’y perd un tout petit peu avec toutes ces clés et leurs propriétaires. Il n’empêche que ce tome est une pure merveille et l’on saute avec plaisir, les deux pieds dedans. Et si Lucas nous semble toujours aussi froid, toujours aussi méchant, toujours aussi dangereux, il n’en reste pas moins qu’il a également des loupés. Il est en effet très difficile de réussir à agir comme il le fait, à manipuler tant de monde sans que quelqu’un le reconnaisse. Cela lui arrive depuis le début en fait. Mais là l’étau se resserre et les gens qui vont le démasquer sont toujours plus nombreux… Il va se retrouver acculé, et davantage mis en danger à cause de… d’un fantôme.

Les enfants Locke sont encore magnifiquement bien travaillés par Joe Hill. Nous offrant un travail en profondeur sur la psyché de ces trois gamins d’une admirable perfection. Il est rare de voir un tel travail, et un tel cheminement sur la psyché de trois personnages principaux.
Tyler va commencer à s’effriter peu à peu, ayant de plus en plus de mal à garder les vannes fermées, le rendant plus irascible, plus dangereux même peut-être. Mais surtout cela lui permettant d’ouvrir les yeux.
Kinsey qui ne ressent toujours plus la peur et la tristesse cherche désespérément à se rattacher à d’autres gens, et n’ayant plus d’inhibition et lâche un peu trop facilement son secret.
Et enfin, Bode, toujours aussi poilant, ce petit est tellement attachant, tellement drôle (la scène avec sa mère pour expliquer les griffures au visage est juste désopilante). Mais malgré son apparente neutralité, il va s’avérer être un personnage vraiment central de la série de Joe Hill, et va l’être davantage pour les tomes suivants.
Les personnages secondaires de Joe Hill ont toujours été de formidables moteurs émotionnels, mais le petit Rufus dans ce tome récolte la palme. On a envie d’aller l’aider, de le prendre dans notre bras. Il a tout compris à ce qui se passe dans la maison des Locke. Il a compris qui était Zack/Lucas, mais personne ne l’écoute ou ne le prend au sérieux de par son handicap mental. Du coup, il reste seul dans sa peur et sa tristesse sans la moindre personne à qui se rattacher.

Joe Hill nous tient en haleine tout au long de notre lecture, et plus nous avançons, plus les rebondissements se font surprenants, brusques et rapprochés ! Le récit s’emballe et on ne peut qu’admirer le courage des enfants Locke, qui combattent des choses qu’ils ne comprennent pas forcément mais qui réussissent à maintenir un semblant de vie normale. La force de Joe Hill est de réussir à rendre cela crédible.
On perd un peu côté horreur mais pour mieux gagner côté suspense, côté angoisse. On se bouffe les doigts de stress, on a peur pour les enfants Locke tellement on frissonne à l’idée de ce qui pourrait leur arriver, et Lucas nous fait bien regarder partout après notre lecture avant d’éteindre la lumière de notre chambre.

Petit mot également sur les différents chapitres, où Joe Hill et Gabriel Rodriguez nous montrent à quel point ils se sont bien trouvés. Un épisode hommage à Calvin et Hobbes comme je l’ai déjà dit avec une superbe mise en page, mais aussi le chapitre « Février » monter sous la forme d’un jour : une case ou une page. Cela donne un rythme endiablé au chapitre, et nous permet d’assimiler beaucoup d’informations en un court laps de temps. Comme si l’on tournait les pages d’une éphéméride.
Ajoutons à cela de belles et touchantes réflexions sur le racisme et sur l’isolement à cause d’un handicape et on obtient une richesse de lecture absolument ahurissante.

Bref, un tome absolument jouissif ! Lucas Caravaggio est toujours aussi dangereux, aussi effrayant mais il lui aussi est capable de se retrouver du côté des proies. Joe Hill crée un véritable lien entre ses personnages entre eux, et entre ses personnages et nous.
L’histoire est véritablement lancé, les premiers coups sont donnés, mais maintenant tous nos personnages sont sur un pied d’égalité et on ne peut s’empêcher de trembler pour les enfants Locke…
Romain_Bouvet
9
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le 12 janv. 2014

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Romain Bouvet

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