Brillante réécriture de l'histoire des frères Van Gogh qu'est celle de la talentueuse Hozumi. J'ai été totalement happée par ce josei très touchant, émue à en avoir les larmes aux yeux. Tout ressort de très belle façon dans ces pages délicates, tout confirme mon impression : Les Deux Van Gogh est une véritable pépite du genre...
A travers cet imposant volume unique, la mangaka nous conte l'envers du décor de la vie de Vincent et Théodore, de leur enfance, jusqu'au peintre torturé et mystérieux tel qu'on le connait aujourd'hui. Mais et si Vincent Van Gogh n'était pas si fou que certains le pensaient ? J'ai beaucoup aimé la façon dont Hozumi amène tous ces éléments de l'histoire du peintre tout en rajoutant, bien entendu, des scènes fictives très réussies. J'ai totalement été emportée dans ce Paris du XIXe siècle très réussi, le one shot devenant très vite une addiction presque effrayante. Bien que parfois assez contemplatif, la narration n'ennuie pas non plus, bien au contraire, surtout grâce à son tandem de héros très attachants.
Comme l'indique indirectement la première de couverture, l'histoire va être racontée sous l’œil bienveillant et perspicace de Théodore Van Gogh, petit frère de celui qui se fera une place importante dans le milieu de la peinture. Marchand d'art de la célèbre galerie parisienne Goupil, le personnage séduit dès les premières pages de par son attitude désinvolte et son charisme. Du début à la fin, cet homme m'a fascinée : il est mystérieux tout en ayant une part révolutionnaire, mais d'un autre côté, on peine à savoir son réel but, ce qu'il pense réellement. Il devient encore plus intéressant quand on nous montre ses faiblesses, une petite pointe de jalousie sous toute cette bienveillance fraternelle. En tout cas, quelle prestance, quelle classe ! Il savait toujours prononcer les bons mots au bon moment.
Pour compléter le duo, son grand frère (et pas n'importe qui !), Vincent, bien avant le succès et cette histoire d'oreille coupée. On découvre alors un jeune homme qui a tout de la définition même de la pureté : toujours heureux, il ne voit pas le mal autour de lui et vit en totale harmonie avec son art, sans même voir tout le profit qu'il pourrait en tirer. Simple d'esprit ou juste naïf passionné par la peinture, on ne sait pas vraiment. Une chose est sure, je m'y suis tout de même très rapidement attaché à cette figure candide, très en contraste avec son frère cadet. Il était tellement touchant et pur dans tout ce qu'il faisait ! Plusieurs scènes le montrant pinceau à la main sont magnifiques d'ailleurs. Lorsqu'il peint le travailleur ou encore le passé de la vieille dame, cela donne lieu à des scènes très touchantes et bien mises en scènes. Même si elle n'est pas énorme, j'ai aimé son évolution, on voyait bien sur la fin que toutes ces épreuves l'avaient fait mûrir.
Bien entendu, même si les deux personnages sont très intéressants séparément, c'est surtout leur duo qui ressort de l'oeuvre. Ce lien très puissant qui les unit est au centre de l'histoire et m'est apparu de très belle façon. Sans trop d'artifices dramatiques, Hozumi parvient à caractériser cette relation basée sur la confiance et l'imagine très puissante et douce. J'ai adoré chacune des scènes qui les réunissaient. Chacun était essentiel à l'autre, Théodore étant un réel appui qui l'aidait à se prendre en main pour Vincent, lui même étant liberté dans une société très codifiée pour l'autre. Ce n'est qu'à la fin que l'on se rend compte de l'importance de ce lien, de façon très émouvante d'ailleurs (j'ai presque versé ma petite larme...). Cela donne naissance à bon nombre de scènes très jolies, les retours en arrière où on les voit enfants en tête d'ailleurs.
Ce n'était peut-être pas le but premier de l'auteure, mais j'ai été très sensible à sa représentation de la société de l'époque et à la place de l'art dans celle-ci. Cela se fait par les costumes, les décors bien sûr, mais aussi par les dialogues entre aristocrates sur le fondement de l'art. Est-il réservé à l'usage unique des classes aisées ? Les plus démunis ne peuvent-ils pas apprécier l'art dans sa globalité ? Doit-on uniquement représenter le beau ? Je ne suis pas experte en matière de l'histoire de l'art en France, mais ce sont bel et bien des questions qui se sont posées à l'époque. Les Deux Van Gogh nous propose de revisiter l'histoire de cette famille, mais aussi de reconstituer l'Histoire de l'art de façon très intéressante. On peut y voir un début de "rébellion" de quelques peintres voulant sortir des codes prédéterminés, s'adressant à tous, comme Van Gogh bien sur, mais aussi Henri de Toulouse-Lautrec. Cela m'a beaucoup intéressée en tout cas.
Je n'aurais strictement rien à redire sur le trait de Hozumi. Il est fin, plein d'émotions, parfaitement adapté au récit. J'ai particulièrement craqué pour la beauté de ses personnages. La mangaka a d'ailleurs un regard plus contemplatif lorsqu'elle met en scène Vincent, elle s'attarde davantage sur les petits détails de la vie. J'ai trouvé cette narration très ingénieuse.
Petit plus anecdotique, je félicite vraiment le travail de Glénat quant à la traduction. Pour une fois dans un titre historique, pas ou très peu de mots modernes se frayent un passage dans les dialogues. Et de ce que j'ai lu, c'est très rare ! Entre aristocrates, les mots sont élégants, finement choisis et se font plus simples entre paysans. Très bien pensé et ô combien agréable pour les lecteurs plus exigeants !
Les Deux Van Gogh est un récit tout simplement magnifique. Je me suis laissée ensorceler par l'histoire romancée de ces deux frères très attachants et la description du Paris du XIXe. Que l'on soit passionné d'art ou non, ce josei est un titre émouvant que je ne suis pas prête d'oublier !
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