Aventuriers solitaires
La Grande guerre touche à sa fin, Corto Maltese s’ennuie. Marin sans navire, il séjourne au Yémen. Plus que Corto, le véritable héros des trois premiers récits est Cush. Admirez-le, somptueusement...
le 5 avr. 2018
20 j'aime
La Grande guerre touche à sa fin, Corto Maltese s’ennuie. Marin sans navire, il séjourne au Yémen. Plus que Corto, le véritable héros des trois premiers récits est Cush. Admirez-le, somptueusement dessiné en noir et blanc, efflanqué, les joues creuses, le regard fier, la tête haute, le fusil chargé Lee-Enfield négligemment posé en travers des épaules. Attention, ne vous fiez pas à sa fausse nonchalance et à son sourire cruel, il tire vite et jamais ne manque sa cible.
Corto se déclare maltais, une nationalité chimérique, et caïnite, une hérésie judéo-chrétienne disparue. Ce capitaine de marine marchande ne possède ni équipage, ni compagnon. Cush est un guerrier afar de la tribu des Beni Amer. Banni par son propre clan, il se proclame musulman, mais ne conserve du Coran qu’une expéditive morale guerrière. Il ne se reconnaît aucun maître, qu’il soit de son sang, turc ou anglais, pas d’amis, ni même de frères. Surpris, il découvre en Corto un égal, un homme tout aussi farouchement libre. S’il lui sauve la vie, il récuse toute idée de dette, prétendant n’avoir agi que pour le plaisir d’exécuter un ennemi. Alors que Corto observe et évite d’intervenir, Cush est fier, ombrageux et cynique, il provoque et tue. Qu’est-ce qui fait leur charme ? Plus que leur individualisme désinvolte, c’est leur capacité à affronter l’inconnu, à aller au-devant du danger. Corto et Cush sont des aventuriers.
Or, inconsciemment, ne souffrons-nous pas d’un excès de sécurités, prévoyances et assurances ? Pour ceux qui en douterait, lisez John Eldredge. L’homme moderne, citadin et policé étoufferait depuis qu’il a renoncé aux trois aspirations fondamentales de la virilité : livrer un combat, vivre une aventure et sauver une beauté. L’homme doit prouver sa force.
Quelles pourraient être nos ultimes terres d’aventures (licites) ? Pour les plus audacieux, les sports extrêmes, les randonnées au long cours, la création d’entreprise... Les autres compensent dans la littérature et... dans mon ami Corto.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 154 critiques de bandes dessinées, Tout Corto Maltese, chronologiquement, Top 10 séries franco-belges classiques et Critiques de BD aux univers fantastiques
Créée
le 5 avr. 2018
Critique lue 656 fois
20 j'aime
D'autres avis sur Les Éthiopiques - Corto Maltese, tome 5
La Grande guerre touche à sa fin, Corto Maltese s’ennuie. Marin sans navire, il séjourne au Yémen. Plus que Corto, le véritable héros des trois premiers récits est Cush. Admirez-le, somptueusement...
le 5 avr. 2018
20 j'aime
Le dessin et les textes d'Hugo Pratt sont tellement poétiques et envoûtants... Comme dans La Ballade de la mer salée, je suis immédiatement plongée aux côtés des gentilhommes de fortune en quelques...
Par
le 18 nov. 2010
8 j'aime
1
"Ma journée est faite ; je quitte l’Europe. L’air marin brûlera mes poumons ; les climats perdus le tanneront. Nager, broyer l’herbe, chasser, fumer surtout ; boire des liqueurs fortes comme du métal...
le 16 janv. 2015
4 j'aime
Du même critique
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
le 14 oct. 2016
127 j'aime
31
Je dois à Hayao Miyazaki mon passage à l’âge adulte. Il était temps, j’avais 35 ans. Ne vous méprenez pas, j’étais marié, père de famille et autonome financièrement. Seulement, ma vision du monde...
le 20 nov. 2017
123 j'aime
12
J’avais sept ans. Mon père, ce géant au regard si doux, déposait une bande dessinée sur la table basse du salon. Il souriait. Papa parlait peu et riait moins encore. Or, dans la semaine qui suivit, à...
le 11 juin 2016
123 j'aime
30