L'oeuvre ici, c'est le Louvre.
Le problème avec Taniguchi, c'est que ses œuvres sont d'un tel niveau que ça devient souvent difficile de les noter. Si je devais comparer les Gardiens du Louvre à l'ensemble de la production de bande-dessinées, l'album aurait davantage que le modeste 6/10 que je lui ai accordé. Sachez donc dès le départ que je l'ai surtout noté en fonction des autres titres de l'auteur.
Au départ, les Gardiens du Louvre est une chouette petite bande-dessinée, superbement réalisée sur le simple plan technique et, surtout, très bien mise en couleur (elle me rappelle un peu le travail fait sur « Mon Année », dont on attend toujours les autres tomes d'ailleurs). La beauté et la majesté du Louvre sont vraiment bien retranscrites, et chaque salle est instantanément reconnaissable pour peu que vous connaissiez un peu le musée. Ici, notre « héros » va nous faire un petit syndrome de Stendhal à force de côtoyer la richesse de l'endroit, et chaque œuvre va le mener sur une piste différente, qu'il s'agisse de suivre un artiste bien particulier (Corot, Van Gogh...), l'incarnation même d'une œuvre (la Victoire de Samothrace) ou carrément l'histoire du palais en lui-même (l'évacuation du musée en 1939).
On retrouve les thèmes si chers à l'auteur : le fait de déambuler au gré des découvertes, la passion et la mélancolie qui marquent chacune des réflexions du personnage etc etc... et c'est paradoxalement le problème principal. Car si ce sont évidemment des thèmes que j'adore, force est de constater que les Gardiens du Louvre n'arrive pas à complètement trouver une structure cohérente dans laquelle s'exprimer. Il n'arrive pas à se débarrasser totalement de son carcan narratif comme le fait par exemple l'Homme qui Marche, mais n'arrive pas non plus à se structurer suffisamment comme le fait Le Journal de mon Père. L'album souffre donc de quelques longueurs un peu désagréables (notamment lors de la partie sur Corot, qui finit par s’enliser un peu), tout en proposant néanmoins quelques passages vraiment forts qui valent à eux seuls la lecture (l'hommage à Jacques Jaujard -l'homme qui incarne peut-être ici le mieux l'amour absolu de l'Art- est vraiment splendide).
Bref, les Gardiens du Louvre est une excellente BD, mais un Taniguchi un peu moyen. Cela ne l'empêche pas de proposer de jolies pistes de réflexion, et d'être un album contemplatif qui n'est pas non plus désagréable à lire, bien entendu.