Belle charpente, arrière-goût désagréable
Ces dernières années, Etienne Davodeau semble avoir délaissé le récit de fiction qui l'a fait connaitre ("Quelques jours avec un menteur", "Chute de vélo") au profit d'une approche documentaire / biographique - à ne pas confondre cependant avec l'autofiction - dont le remarquable "Les mauvaises gens" constitue, à ce jour, la tentative la plus aboutie.
Dans le même registre, "Les ignorants" relate une expérience croisée d'immersion dans les mondes de la bande dessinée et de la production vitivinicole. Plus qu'un simple exposé sur les coulisses de ces deux univers, l'album s'ouvre sur une réflexion sur le sens que les deux protagonistes donnent à leur travail, amenant au passage le lecteur à constater les similitudes entre les deux activités, et à s'interroger sur le sens qu'il donne au sien.
Au fur et à mesure du récit, cette réflexion s'étend à la profession toute entière et à ses petits travers. Plutôt réussi sur sa moitié viticole (les buveurs d'étiquette, le critique américain, l'utilisation du soufre et de la biodynamie...), le récit est moins convaincant sur la partie consacrée à la bande-dessinées. Plus inégal, ce versant du récit comprend quelques passages sans intérêts (les salons de BD) et donne quelquefois l'impression que l'auteur se réfugie derrière son comparse pour émettre des opinions personnelles sur la profession.
Le principal défaut de l'ouvrage est cependant ailleurs. En dépit de la sincérité de la démarche (et du remarquable travail d'édition de Futuropolis), le procédé narratif semble en effet atteindre ici ses limites.
Malgré un réél travail de découpage en chapitres, le récit, trop long et trop bavard, perd de son intérêt dès le milieu de l'ouvrage. La conclusion, bancale, et justifiée par un argument peu convaincant, ne semble même pas satisfaire l'auteur, ainsi obligé de s'y reprendre à deux fois.
Reste un beau projet et un beau produit d'édition qui s'achève sur une liste de suggestions sur le mode "Bu / Lu" qui pourra servir de bréviaire aux amateurs des deux arts.
Auxquels on ne recommande pas forcément la lecture de cet album.