Belle découverte de Ville Tietäväinen, auteur et artiste finlandais, avec un album autour de l’émigration empreint d’enjeux sociaux, religieux et familiaux.



Un épais roman graphique, dense et sensible,



en compagnie de Rachid, du Maroc à l’Espagne, de l’espoir à la folie.


Marko Juntunen, ethnologue, signe le prologue et nous parle de l’immigration clandestine d’une rive à l’autre de la Méditerranée, et de harraga :



l’idée d’une percée, du franchissement de la frontière mais aussi
du retour, et du feu qui brûle dans le cœur des hommes dont la famille
attend le soutien.



Après une traversée nocturne tragique, le récit reprend quelques mois plus tôt. Nadim et Rachid survivent tant bien que mal dans les rues de Tanger, les obligations familiales de l’un, affirmées par sa foi, s’opposent aux rêves d’émancipation et de liberté de l’autre, ils partagent une amitié forte autant qu’une pauvreté malsaine. Après les discours sucrés des passeurs, de nouveaux espoirs naissent et les difficultés continuant, le départ s’impose.


L’Europe.
De l’autre côté, Rachid n’échappe aux autorités que pour se retrouver esclave dans une plantation de légumes où triment d’innombrables clandestins. Accroché à ses convictions religieuses autant qu’à ses espoirs de soutien à sa famille, il se laisse exploiter longtemps, ne cède pas aux discours de recruteurs intégristes, sans pour autant réussir à trouver la paix de l’âme dans les désillusions qu’il accumule au cœur. Entre la peur et la répression, il réalise qu’il doit fuir pour espérer mieux. Ce sera l’anonymat de la ville, une nouvelle forme d’esclavage : la clandestinité, la rue, l’angoisse, le désespoir et la folie. Émacié, sale, repoussant, Rachid perd la raison, pas la foi. Il ne lui reste que ses illusions pour combattre les tentations.


Il ne lui reste qu’une hallucination pour en finir.


Ville Tietäväinen signe un drame de la déshumanisation à l’œuvre dans l’immigration clandestine et dans l’accueil européen, répressif et angoissant, de ces hommes venus chercher l’espoir. La corruption, l’avilissement, la négation de l’être. Le déni aussi, la honte de l’échec et le refus de rentrer sans rapporter le rêve espéré. Les Mains Invisibles, celles des croyances de Rachid autant que celles des joueurs de l’échiquier socio-économique, par-delà les rivages de la mer, par-delà les frontières, manipulent les hommes et les esprits.



Sans espoir de salut.


Créée

le 13 janv. 2016

Critique lue 201 fois

Critique lue 201 fois

D'autres avis sur Les mains invisibles

Les mains invisibles
ChristineDeschamps
9

Critique de Les mains invisibles par Christine Deschamps

Aussi joyeux que Maus, aussi clair qu'une anthologie de Batman chez les Corons, voilà un pesant volume, dans tous les sens du terme, qui achève de plomber l'ambiance déjà bien ternie par Gaza, 1956...

le 12 juil. 2017

Les mains invisibles
Matthieu_Marsan-Bach
8

Sans Espoir de Salut

Belle découverte de Ville Tietäväinen, auteur et artiste finlandais, avec un album autour de l’émigration empreint d’enjeux sociaux, religieux et familiaux. Un épais roman graphique, dense et...

le 13 janv. 2016

Du même critique

Gervaise
Matthieu_Marsan-Bach
6

L'Assommée

Adapté de L’Assommoir d’Émile Zola, ce film de René Clément s’éloigne du sujet principal de l’œuvre, l’alcool et ses ravages sur le monde ouvrier, pour se consacrer au destin de Gervaise, miséreuse...

le 26 nov. 2015

7 j'aime

1