Le dénouement du deuxième tome de Madeleine, Résistante laissait présager le pire pour son héroïne, alors en très mauvaise posture. Un an plus tard, le lecteur la retrouve les menottes aux poignets et le visage tuméfiée au pied de la préfecture de police de Paris. Des bureaux des Brigades Spéciales à ceux de la Gestapo, rue des Saussaies, en passant par les geôles de la prison de Fresnes, la résistance de Madeleine Riffaud est ici mise à rude épreuve.
Face à la brutalité du récit de ses quatre longues semaines de détention et d’interrogatoires musclés, le dessinateur Dominique Bertail et l’auteur Jean-David Morvan ne se défilent pas. Les rendez-vous quotidien de Madeleine au siège de la Gestapo au cours desquels elle fit l'objet de nombreuses techniques de torture y sont fidèlement et pudiquement relatés. Et de ses séjours réguliers dans les sous-sol de la "maison de la mort", émerge l'image terrifiante de ce Berger allemand hargneux, tous crocs dehors après avoir dévoré le visage d'une pauvre détenue. Glaçant !
A la torture physique, s'ajoute aussi la torture mentale : l’exiguïté de la cellule et la solitude de l'enfermement complètent l'arsenal utilisé par les officiers de la police française pour faire plier la jeune résistante. Seuls la vue sur la place Saint-Michel depuis le fenestron de son cachot et les vers de Guillaume Apollinaire lui apportent un peu de réconfort dans ces heures sombres. La beauté et la cruauté du temps qui s'en va, tout cela est retranscrit par les auteurs avec un sens aigu de la composition et du séquençage.
Ce troisième tome se clôt sur une fête de quartier au cours de laquelle Madeleine Riffaud fête ses 20 ans. Depuis ce jour, quatre-vingt ans ont passé, et la petite résistante est désormais entrée dans sa centième année. Au départ réticente à coucher ses mémoires en bande dessinée, considérant ce médium comme destiné aux enfants, la jeune centenaire s’est finalement laissée convaincre par les arguments du scénariste Jean-David Morvan. Et la trilogie Madeleine, Résistante, en plus de constituer une réussite majeure dans son domaine, d’apporter une nouvelle pierre du souvenir à notre précieuse mémoire nationale.