Ayant franchi la frontière pour entrer dans un monde parallèle (ce monde imaginaire dans lequel les jeunes lecteurs simulent et répètent les péripéties de la vraie vie en les accommodant à leurs capacités physiques, psychologiques et sociales), les jeunes héros vivent des aventures classiques (quête, affrontements à des forces maléfiques, traversée de passages périlleux...). L'enjeu, pour les auteurs, est donc de conférer quelque originalité à ces épisodes initiatiques et éducatifs.
Le vilain de l'affaire, c'est la Maître des Ombres (qu'on ne voit pas encore beaucoup), qui détruit le monde des petites créatures sympas qui y habitent. Le gros de l'album, c'est un voyage pendant lequel les enfants doivent éviter les "rôdeuses", de vilaines ombres volantes, en forme de serpent, et carnassières, mais qui sont détruites par la lumière. Elles ont quand même un petit air de ressemblance avec les "Détraqueurs" d' Harry Potter. Ici, pas de sorts magiques pour s'en débarrasser, mais il faut trouver de la lumière dans l'urgence. Minervale est un dragon volant bleu à deux pattes, avec une gueule de CRS (planche 34).
Les autres créatures sont assez convenablement originales : ces espèces d'oeufs d'alien voraces qui poussent sur les arbres (planche 9), ce tamanoir un peu punk (planche 11), ces arbres aux épines empoisonnées et rétractiles (planche 11).
Le vieux Norgavöl, figure grand-paternelle, en sait plus que les autres (classique), et dicte donc les missions, les espoirs, les objectifs; il donne aux héros les objets-ressources (carte, sac), leur dit leur mission (trouver un autre passage fonctionnel pour s'en retourner), leur décrit les dangers, puis reste sur place pour ne pas ralentir la progression des héros. Il connaît des trucs qui soignent, assez efficaces (planches 19 et 20, 36). Pour annoncer la suite, les auteurs emploient la ressource du rêve prémonitoire (planche 41 : assez belle composition).
La série étant conçue pour des enfants à partir de six ans, les situations amoureuses sont assez discrètes, mais existent pourtant : on se tient la main et on se regarde en souriant (planche 3). Quand on se déshabille, ça reste pudique (planche 23). Et les emballements amoureux n'en sont pas moins présents (planches 33 et 34). L'apparition d'une deuxième fille indigène de ce monde promet de corser les regards enflammés pour la suite.
La cruauté du vrai monde est rappelée : Rebecca est née au Rwanda en 1992 (planche 15 - ça lui fait 23 ans aujourd'hui - j'ai toujours pensé que les auteurs avaient tort de donner la date de naissance de leurs héros, ce qui les arrache à l'intemporel nécessaire au travail de l'imagination, et crée une distorsion dans l'identification du lecteur au personnage, style "Ah ben, elle est vieille alors ! On est pas du même âge ! ").
En contrepoint, pour varier les images pendant les séquences de discours ou de description, les auteurs utilisent un groupe de curieux petits animaux de couleur violet clair, qui s'amusent, testent le monde, et font des bêtises à l'instar des enfants encore plus jeunes que les lecteurs (planche 2). Joli village, de type un peu Afrique noire, planche 21.
Une narration peu surprenante, mais bien adaptée aux jeunes lecteurs.