J'ai deux amours, mon pays et Paris
Drôles de gars que ceux du Long Range Desert Group. Membres d'une petite unité de reconnaissance et parfois, de Taxi pour SAS jusqu'à ce que les autres drôles de gars de David Stirling ne décident à se mettre sur Jeep plutôt que servir de passagers aux Chevrolets 30 cwt du LRDG. Ces types, déjà étranges, le deviennent encore plus lorsqu'on y invite parmi eux un officier détaché du Polish Army Corp et un grec vénitien, Kord Kakurios. Car si au sein des scorpions l'on ne trouve que des hommes, ces derniers sont bien difficiles à distinguer des authentiques scorpions qui peuplent le désert et que quelque guerrier Beni Amer n'hésitera pas à manger tout cru avant de descendre quelque profiteur du magot oublié d'une cause à moitié perdue tout en regrettant son ami Corto Maltese, disparu dans l'une des dernières guerres "romantiques" (ou en tout cas où des romantiques pouvaient y trouver une place) de l'Histoire.
Si Corto à physiquement disparu, il est bel et bien mort, et n'est plus que souvenir dans une seconde guerre mondiale entrainant des peuples entiers, parfois non concernés (volontaires indiens, juifs, subsahariens, résistants éthiopiens...), dans des luttes qui les dépassent ou, dans une certaine mesure, les concernent de près, mais uniquement à petite échelle. Ici fini les petites trahisons à la Raspoutine, les traîtres ne s'épargnent plus et, si l'on vous attrape, l'on vous attachera à un canon (à l'image du Caïd Raspa dans la maisons dorée de Samarkande), on vous flinguera avant de dégager en camion, ou l'on vous mitraillera un bon coup, et plutôt trois fois qu'une, pour la trahison, pour le principe, et parce que vous êtes un scorpion, membre de l'unité ou pas ; et les fleures sont gratuites, mais jamais désintéressées. Et si cela ne suffit pas, on vous fera cramer dans votre appareil, vous fera franchir des sables mouvants réputés infranchissable car quoi qu'il arrive, la peau du lieutenant Koinsky, Polish Army Corp (PAC), vaut toujours plus que celle des autres. En souvenir de Cracovie hé, copain.
Corto est mort, Tipperary O'Hara aussi, disparu dans l'un ou l'autre affluent du fleuve de la région de Gombi tandis que tous ces anciens officiers coloniaux sont montés en grade et le font toujours aux hasards des opérations, où les promotions se perdent. Mais quoi qu'il arrive ne soyez pas trop sympathique, c'est mauvais pour la santé.
Corto est mort, bienvenue dans la seconde guerre mondiale, où malgré la Hagannah, malgré les querelles entre rabbins et imams, subsiste une bannière qui ne semble pas prête de tomber à bas, celle de l'argent. Que cela soit dans le petit village de Tintoretto ou au fin fond du désert, au milieu des ossements et sous l'oeil d'un aigle mystérieux, le cours de l'or est toujours indexé à celui du plomb, car pour avoir deux amours, son pays et Paris, il s'agit de décharger l'un pour charger l'autre, ou tout simplement ne rien gagner et repartir (ou pas), pauvre comme Job mais content d'être en vie. Bienvenue dans un fortin perdu en pays Dankale, face au désert des Tartares, où l'on attend toutes sortes de choses ; des renforts, la fin de la guerre, une femme, et plus généralement la mort dans un opéra ridicule. Bienvenue chez les modernes, le blanc a disparu des mappemondes, Bouche Dorée a remisé ses cartes et la Financière Atlantique bat son plein, mais les Corto ont-ils disparus pour autant ? Peut-être pas, l'on en retrouvera certains, après avoir sérieusement gratté le cynisme nécessaire aux temps qui courent, encore capable de quelques réflexions, pensées ou attitudes mélancoliques, car l'homme en guerre, que cela soit en 1942, en 1916, en Sibérie ou quelque part sur une île perdue du Pacifique entre un Moine fou, un pirate des mer du Sud, un lieutenant allemand désabusé et un bijou romantique, a conservé certains fondamentaux.
L'on citera enfin Hypérion : " A lire pour tout fan de Pratt qui se respecte."