Eudes Le Volumeur, expert, est mandaté pour étudier et répertorier le Fonds du Musée. Quel Musée ? On l'ignore. Ou plutôt, on en a oublié le nom. Le Musée du Révolu, mais aussi Le Voulu démesuré, ou bien L'Œuvre du muselé, ou encore Le Seul mou du rêve, ce nom importe assez peu à vrai dire. Toujours est-il que Le Volumeur lui consacrera le restant de ses jours mais sans parvenir à achever sa tâche.
Cet ouvrage rassemble les épisodes les plus marquants de son expertise au sein d'un édifice devenu si vaste au cours des siècles que ses limites ne peuvent plus être définies avec précision, dans le temps comme dans l'espace, et dont le contenu se montre bien à la hauteur de son contenant.
Voire même un peu plus...
Quiconque connaît assez le média de la narration graphique sait combien il ne démérite pas son nom de Neuvième Art. Combiner de manière heureuse les images et les textes écrits, en effet, exige une maîtrise de son sujet qui correspond bien sûr à ce qu'on appelle du talent, au sens large du terme. Pour cette raison, on s'étonne assez peu de voir une BD toute entière bâtie autour d'un de ces temples intégralement voués aux Arts picturaux, quelles que soient les formes qu'adoptent ces derniers : une telle convergence s'avère en fait assez attendue. Ce qu'ont d'ailleurs très bien compris les instances du musée du Louvre puisque cet album de Marc-Antoine Mathieu fut dessiné à leur demande.
Les Sous-sols du Révolu : Extraits du journal d'un expert s'affirme donc comme un ode à l'Art, du plus classique au plus moderne et du plus ancien au plus contemporain, mais à travers un récit d'ordre métaphorique et aux accents assez fantasmagoriques, où le réel se voit travesti juste ce qu'il faut pour que son essence transparaisse sous son apparence. Ce qui n'est jamais qu'une définition comme une autre de l'Art, justement. Or, cette discipline comprend un nombre incalculable d'œuvres, de sorte que l'expertise de Le Volumeur prend assez vite l'allure d'une odyssée sans fin au tréfonds de galeries, de dépôts et d'ateliers tous plus vastes, profonds et obscurs les uns que les autres.
Les rencontres successives qu'il y fera avec divers maîtres des lieux bouleverseront peu à peu sa vision de la chose artistique, mais sans qu'il parvienne à la compléter pour autant : si de toutes manières le sujet est bien trop vaste pour qu'il ait pu y parvenir dans le laps de temps d'une vie entière, au moins l'expert ne sera-t-il pas demeuré une bûche mentale durant tout ce temps.
Et le lecteur non plus, d'ailleurs, ce qui suffit bien à recommander très chaudement cet ouvrage pour le moins atypique : qui sait, il pourrait vous donner envie d'aller visiter un jour l'édifice réel qui l'a inspiré...