Un approfondissement nécessaire et réussi de Double-face, qui en révèle autant sur Batman.
Certes le nombre réduit de note (23) n'est pas forcément significatif, mais je dois avouer avoir été très étonné de voir attribué à ce comics une note si basse (6,1).
L'importance et la nécessité de ce comics me semblent indéniables. Certes le très bon "Un long Halloween" nous avait présenté une origine de l'un des vilains les plus complexes de l'univers de Batman, et cela d'une manière très intéressante, mais incomplète selon moi. Le grand avantage d' "Un long halloween" était de nous présenter Harvey Dent avant qu'il ne devienne un vilain. A l'époque où il était encore le chevalier blanc de Gotham, formant avec l'inspecteur Gordon et Batman le trio voué à sauver Gotham de ses ombres. Les deux compères d'Harvey Dent considérait d'ailleurs le premier comme le meilleur d'entre-eux. Il fallait cela pour expliquer la relation qu'entretient notre super-héros avec ce super-vilain, et celui-ci avec Gotham. Et si cet aspect méritait un comics à lui-seul, une ombre restait au tableau, une ombre à éclaircir. En effet, la transition semblait trop rapide, de chevalier-blanc à fléau de Gotham. Beaucoup s'en sont contenté, mais pour moi l'écart était trop grand.
Cette digression était nécessaire, car c'est la grande forte de ce comics, "les tourments de double-face" justifie enfin ce changement brutal en intégrant à Harvey Dent des troubles psychologiques latents. Un flash-back intéressant nous présente en effet l'enfance du procureur, une enfance particulière qui justifie pleinement sa psychologie. L'explication n'est certes pas d'une originalité folle mais reste solide et convaincante. Justifiant le destin de l'ancien procureur, elle densifie aussi sa psychologie en tant que double-face puisqu'elle complexifie ses tourments et approfondit de chaque instant opposant Harvey et son alter-ego.
Ce premier point suffit selon moi à rendre la lecture de ce tome indispensable pour saisir l'univers de Batman, pourtant l'intrigue intègre aussi des enjeux dépassant le cas de Double-Face. La thématique de Jekyll et Mr Hide s'associe à l'ensemble de Gotham, et à chacun de ses habitants, aux hommes en générale. En chaque homme, cohabitent deux tendances, l'une le poussant au bien, l'autre au mal. C'est aussi donc une occasion d'aborder de manière rapide l'opposition entre Bruce Wayne et Batman. En effet ce comics porte autant sur le personnage de Double-Face que de Batman. Enfin l'ambition criminelle de double-face dans cet épisode fait écho avec celle du vilain de Sombre Reflet. Je n'en dirais pas grand chose pour ne pas gâcher la lecture de certains, mais il y a cette même volonté des vilains de faire resurgir la part obscure des habitants de Gotham. Cette thématique est pour moi révélatrice d'un aspect dominant de l'univers Batman. Le joker souhaite souvent inoculer aux habitants un sentiment d'absurde détruisant toute prétention morale chez les individus. La ville même de Gotham, comme nous le montre "La cours des hiboux" mais aussi le comics (offert ce weekend dernier à l'occasion du weekend du comics dans toutes les bonnes boutiques) "Les portes de Gotham" est le symbole d'un mal sous-jacent, caché dans les sous-terrains de la psychologie humaine.
Je ne mentionnerai que très rapidement les dessins, une part importante du comics mais dont je ne saurai trop quoi dire, si ce n'est qu'ils sont très efficace. La mise en scène ne présente pas d'originalité particulière, mais permet toujours l'adéquation entre la forme et le fond, et une mise en page sensée, ce n'est pas si courant trop de dessinateurs privilégient bien souvent la simple ambition de ne produire qu'un effet.
Pour conclure rapidement, ce tome me semble donc indispensable pour construire une psychologie solide et crédible de Double-Face et révèle par ailleurs un aspect fondamental et primordiale de Batman et de Gotham City. Il est en constante harmonie avec l'ensemble de l'univers du super-héros.