Le titre est un clin d'oeil à une affiche du film The Faculty qui semble bien adapté à ce que l'on peut ressentir en lisant les deux premiers tomes de Lesson of the Evil. Il faut dire qu’une série qui commence avec La complainte de Mackie-le-Surineur (1), que Hasumi aime bien siffloter, annonce qu’on ne devrait pas trop s’ennuyer.
Dès les premières pages, c’est pourtant un autre manga qui se rappelle à notre souvenir (sous réserve, bien sûr, que nous le connaissions) : GTO. Il faut dire que les parallèles nous sautent assez vite au visage :
- Nous sommes dans le privé ;
- La classe de première 4 est une classe à problèmes (bagarres, brimades, délinquance, harcèlements, tricheries…) avec de jeunes garçons plutôt turbulents et de jolies filles (même si Reika n’est pas mentionnée dans le lot) ;
- Le proviseur adjoint Uchiyamada demande à Hasumi de bien faire attention quand il se gare pour ne pas abîmer sa voiture (je n’ai pas vu s’il s’agissait d’une Cresta) ;
- On a aussi droit à des collègues quelque peu gratinés (pas tous) + l’infirmière Taura, « sexy et fière de l’être » ;
- Enfin le professeur principal, Seiji Hasumi, va devoir faire des miracles pour faire avancer tout ça.
Pourtant, on pressent que, décidément, il y a quelque chose de différent. Dans GTO, Tōru Fujisawa nous propose un héros extraordinaire (cf. les prouesses athlétiques réalisées par Onizuka – la preuve que la cigarette n’est pas dangereuse pour la santé), des histoires qui finissent bien, de l’humour… La tonalité est résolument différente avec Lesson of the Evil : Hasumi est loin d’avoir un physique désagréable mais ce n’est pas le surhomme Onizuka ; il ne fait pas de blagues (vous ne le verrez pas avec une trompe d’éléphant…) ; il est au lycée et non pas au collège et l’environnement dans lequel il évolue est beaucoup plus sombre : violence d’un prof’ sur un élève, harcèlements, relations sexuelles prof’-élèves en passant par l’infirmière et ses méthodes peu orthodoxes pour soulager un élève souffrant… On s’aventure bien dans un univers différent de celui de la 3ème 4.
Un univers qui n’est pas sans rappeler Death Note, tant par le dessin de Eiji Karasuyama (on y reviendra) que les méthodes de Hasumi. Le Great Teacher de la première 4 bénéficie d’une image flatteuse (membre de l’équipe de surveillance, ne se défile pas devant les problèmes à affronter, proche de ses élèves et apprécié de ces derniers – il fait même du break dance avec eux !) et apparaît de prime abord comme un des rares enseignants à peu près sain d’esprit et le seul capable de régler tous les problèmes qui se posent en première 4. Pourtant, peu à peu, on découvre chez lui un côté sombre qui ne va pas en s’améliorant. Il sourit à ses élèves, ses collègues mais ses expressions sont-elles sincères ? Le doute s’instille et finit par devenir certitude.
Là où Light voulait créer un monde parfait, Hasumi veut faire de sa classe une classe modèle. Dès lors, pour reprendre le titre d’un certain film, que la chasse commence ! Le lycée devient un jeu d’échecs où Hasumi compte bien occuper une place centrale sur l’échiquier. Pour cela il faut manœuvrer avec prudence ses « pièces » (les filles membres du club d’anglais, Miya, sa milice personnelle, ses collègues…), en sacrifier certaines… afin d’arriver à ses fins et de remporter la partie. Une partie qui promet d’être relevée car, si Hasumi arrive à anticiper certaines choses, à deviner certains comportements, il apprend aussi au hasard des discussions des informations capitales (le prof’ de maths qui veut le faire renvoyer par exemple), l’obligeant à ajuster ses stratégies. Une place importante est ainsi accordée à ses pensées (ainsi qu’à celle d’autres personnages, notamment Reika qui, dès le départ, a le sentiment que quelque chose cloche avec son professeur d’anglais) pour donner à voir sa manière de procéder, son état d’esprit, sa psychologie. Parfois c’est inutile : ses gestes, son regard nous renseignent parfaitement pour comprendre pourquoi il fait cela (cf. ce qui se passe à la fin du tome 1).
Outre son travail au lycée on le voit aussi chez lui, en train de préparer ses prochains coups, de s’occuper des corbeaux qui le dérangent, de courir… Une vision assez minimaliste de sa vie en dehors du lieu de travail, comme si l’essentiel tournait autour de son projet pour sa classe. C’est assez effrayant. Surtout, force est de reconnaître que toutes ses pensées ne sont pas mauvaises, que ce soit quand il règle les problèmes de tricherie, analyse la solution bidon proposée par le proviseur adjoint pour éviter des ennuis au lycée ou la manière dont il faut s’y prendre pour qu’un cours se passe bien. Mais le revers de la médaille c’est qu’il a aussi des manières peu recommandables pour éjecter les indésirables, qui n’ont pas leur place dans le monde qu’il imagine. Ou comment reposer la question de savoir si la fin justifie les moyens.
Les deux tomes proposent ainsi une entrée en matière particulièrement efficace, servie par un dessin très agréable. Premier essai concluant pour Eiji Karasuyama qui n’est pas sans rappeler Takeshi Obata et Death Note, notamment lors de certaines planches. On pourra juste regretter que quelques profils de personnages ne soient pas tous réussis. Le trait est fin, réaliste, met bien en valeur les expressions, attitudes et sentiments des personnages. Tous sont aisément repérables, identifiables et, pour les élèves, à la fin du tome 2 se trouve un album photo de la première 4 avec les noms et prénoms ainsi que quelques informations à leur sujet.
Si j’avais une remarque négative à faire elle concernerait la fin du volume 2, plus précisément le chapitre spécial qui nous annonce déjà que quelque chose de grave va se produire. J’ai regretté qu’une telle révélation survienne aussi tôt (c’est du spoil sans avertissement !). Cela fait retomber le soufflet trop tôt à mon goût même si, avec cet élément en tête, on peut se demander ce qui va se passer pour arriver à un tel événement.
Le professeur d’anglais de la première 4 fait donc une entrée remarquée et Lesson of the Evil s’annonce comme une série à suivre tant les tomes suivants promettent d’être animés entre les prochaines avancées de Hasumi, les revanchards vis-à-vis de lui (Shibahara le prof’ de sport, Keisuke voudra sûrement prendre sa revanche vis-à-vis de son prof’ d’anglais et Masahiro aussi…), les doutes qui sont présents chez certaines (Reika voire Miya ?) et sûrement quelques surprises à prévoir… Une chose est quasiment sûre : la voiture du proviseur adjoint aura du mal à atteindre la fin de la série indemne. Le manga nous propose une plongée dans l’année de première bien loin de la 3ème de GTO ou de la Terminale de Crystal Sky of Yesterday, et interpelle sur nombre de points de la vie scolaire (fonctionnement du lycée, attitudes des élèves et des professeurs et leurs relations…). Vous laisserez tenter par la série ?
(1) Berthold Brecht n’est pas mentionné dans les références données, il n’y a que Kurt Weill.