Le mois de septembre voit la collection Latitudes s’enrichir d’un nouveau titre avec l’Île errante de Kenji Tsuruta. L’occasion de découvrir une partie du Japon moins connue que ses grandes villes. Cap sur le Pacifique et ses petites îles japonaises habitées qui recèlent quelques mystères et une belle aventure !


Relier ce qui est séparé


On a parfois tendance à l’oublier mais si le Japon est un archipel, il ne se réduit pas à ses quatre îles principales : elles sont complétées par plus de 6800 autres ! Pour celles qui sont habitées (par des humains) se pose la question du ravitaillement : il faut emprunter les voies maritimes et aériennes pour acheminer ce dont les habitants ont besoin pour vivre, le courrier, etc.


Á l’heure où l’on parle (dé)mondialisation, monde hyper-connecté… l’Île errante nous emmène dans un environnement tout autre : certes on trouve des téléphones et des ordinateurs portables mais les échanges entre les îles ne sont pas libérés de la contrainte spatiale et géographique. D’où un univers éloigné des « grandes villes ». Sur l’île où réside l’héroïne, tout le monde se connaît. Une proximité multidimensionnelle relie les personnes. C’est d’ailleurs un trait permanent de ce premier tome : les personnages se voient, se touchent.


Mikura Amelia, notre héroïne, se trouve au cœur de la logique évoquée plus haut. Pilote d’hydravion elle dessert une partie des îles pour effectuer diverses livraisons. De quoi participer au maintien des liens. Mais pas seulement. Son travail est aussi un moyen de conserver un lien avec son grand-père, disparu depuis peu. Il l’a initiée et Mikura continue. Elle va même aller plus loin : en fouillant dans les affaires de son grand-père elle trouve une lettre destinée à une certaine Mme Amelia, sur l’île d’Electriciteit. La similitude dans les noms de famille peut interpeller. Mais ce n’est pas tout.


La possibilité d'une île


En effet, cette île ne se trouve sur aucune carte ! Des habitants en parlent mais le récit à tout d’une légende urbaine... Mais Mikura ne va pas renoncer. Une « chasse à l’île » s’organise, entrecoupée de quelques moments où Mikura rencontre d’anciens camarades de classe, redécouvre des objets liés à son grand-père, se pose avec son chat pour profiter du temps. Le chat ou le second personnage principal du manga tant il est de tous les bons coups et on finit par le chercher instinctivement sur les cases !


Mener de front son travail et sa recherche lui prend du temps. Aussi l’Île errante se passe de jour comme de nuit ! Les recherches nocturnes sur son ordinateur et autres activités permettent d’alterner les séquences claires et celles, plus sombres, de nuit. Un tel rythme n’est toutefois pas sans conséquence pour l’héroïne : on voit son visage marqué, des cernes apparaître. Rien qui ne puisse la faire abandonner. Surtout après qu’elle ait aperçue l'île lors de l’un de ses vols !


Nous sommes ainsi plongés dans une recherche dont les fondements sont, au départ, tout sauf évidents : un colis à livrer et un singulier carnet de réflexions sur l’île légué par son grand-père. Pour autant, Kenji Tsuruta parvient progressivement à donner du sens à cette intrigue. Certes c’est un moyen pour l’héroïne de faire face au deuil de son grand-père, de continuer à être avec lui et de s’occuper l’esprit mais ce n’est pas un simple défouloir. Cette île exerce un effet d’attraction et Mikura n’est pas la seule à s’être prise au jeu. Le mystère entourant cette île pique alors tant la curiosité de l’héroïne que celle des lecteurs et lectrices…


Une quête multiple


Kenji Tsuruta propose ainsi une histoire aux multiples facettes. L’héroïne un peu sauvage et coupée de ses parents fait écho à cette île insaisissable ou presque, qui lui file entre les doigts pour le moment. Cette aventure promet de laisser en elle une marque : ce n’est sans doute pas un hasard si en fin de volume Mikura se coupe les cheveux. Ce parcours qu’elle doit accomplir, entouré ponctuellement de fantastique et de mystère possède tous les ingrédients pour plaire.


Car au fil des pages, différents éléments interpellent le lecteur. Sans prétendre à l’exhaustivité, trois éléments m’ont marqué. Il y a tout d’abord les angles de vue retenus lorsque Mikura pilote. Comme dans les bons films d’aviation cela permet de partager, en sa compagnie, les paysages qui s’offre à elle. Ensuite il y a une certaine sensualité qui se dégage des pages, notamment parce que l’héroïne, du fait du lieu où elle vit se trouve souvent en maillot de bain. Enfin il ressort du trait de l’auteur une impression de légèreté et des sentiments qui ne sont pas très éloignés de ceux que l’on peut éprouver lorsque l’on parcourt un autre titre : Underwater. En somme c’est un manga qui fait du bien.


Le grand format de l’édition française est un petit régal. Le graphisme de l’auteur ressort parfaitement et on peut apprécier un peu plus encore la grande lisibilité et le parcours proposé au fil des planches. La traduction de Géraldine Oudin est limpide. L’ouvrage s’ouvre et se consulte sans aucune difficulté. Ajoutons une couverture qui propose une bien jolie scène en plus du titre qui ressort et on tient là un bel objet de lecture.


Le vent nous portera...


Á l’instar de ces balades où l’on ne voit pas le temps passer, le premier volume de l’Île errante défile devant nos yeux jusqu’à ce qu’arrive la dernière page et que l’on réalise que c’est terminé… pour le moment. Le signe d’un récit maîtrisé et d’un manga qui mêle l’humour, l’aventure, l’émotion pour proposer un résultat abouti : on veut tous accompagner Mikura dans sa recherche de l’île d’Electriciteit pour connaître le fin mot de l’histoire… même s’il n’y en a pas !


Avis illustré et (un peu) augmenté à retrouver sur cette île errante...

Anvil
7
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Créée

le 13 sept. 2017

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Anvil

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