En démarrant Jazz Maynard, le style graphique nous flatte. Le choix de rester dans certains tons pour décrire les ambiances nous interpelle. Du jaune au bleu, du orange au rouge sur constantes de gris et de noirs, jouant adroitement des ombres et des mouvements, personnellement, en plus de la gueule des personnages, tout ceci m'apparu tout de suite agréable. Je pensais même que le procédé des nuances de coloris se limiterait aux premières pages, uniquement pour nous faire distinguer les flashbacks de l'instant présent. Car l'incursion dans cette histoire prenant place dans le quartier barcelonais d'El Raval, aux prises avec ses malfrats, son crime organisé et ses petites frappes, est directe et brutale, à la manière d'un bon polar.
Jazz Maynard est notre héros, personnage énigmatique que l'on découvre en fâcheuse posture et qui se révèlera au fur et à mesure des incursions dans son passé, un passé new-yorkais étroitement corrélé aux enjeux des deux principales histoires réparties dans ces 7 tomes qui nous emmènent des rues de Barcelone à celles de Reykjavik avec toujours son lot de brutes épaisses prêtent en découdre. Car Jazz Maynard n'est pas qu'un simple et talentueux trompettiste, il sait aussi mettre ses compétences de cambrioleur à disposition des plus offrants (quand il n'y est pas obligé). Si sa passion pour la trompette et Chet Baker ainsi que les flashbacks étoffent le personnage et permettent des moments plus calmes, ses vols constituent la partie mouvementée de l'histoire et vont l'amener à se confronter à différentes instances mêlant le monde politique, celui des services secrets et bien entendus celui de la pègre avec toujours une propension à la violence. Ca tabasse sec parfois et les flingues parlent autant que les poings et les rancœurs dans des enchaînements de vignettes où l'action ne perd jamais en clarté. Un véritable sens du rythme !
Le 7ème et dernier tome est à mon sens le plus réussi. Même s'il n'ouvre aucun nouvel enjeu, il permet de conclure avec une certaine émotion la partition qui nous a été jouée.
Au delà de la décomposition des deux histoires majeures, on se rend compte que l'histoire elle même sonne comme une grande conclusion, un baroud d'honneur pour un héros aussi dense que finement décrit et écrit, de son entourage proche à son passé plus lointain. Jazz Maynard est une bande-dessinée qui trouve toute sa consistance dans la cohérence de son ensemble et dans l'aboutissement même de ce qui ne ressemble, après lecture, qu'à la dernière partie d'une bien plus grande histoire qu'on ne nous aurait pas raconté.
Le titre du 1er tome "Home Sweet Home" symbolise parfaitement, dès son apparition dans les vignettes du dernier, cette boucle qui s'achève.
Roger Ibañez Ugena et Raúl ont su installer leurs personnages, les rendre attachants. Ils ont su décrire des ambiances, des relations, jouer de différents tempos pour me donner envie d'en lire plus.
Et si il est presque sûr qu'une suite à Jazz Maynard n'aurait pas vraiment de sens, l'aura du trompettiste-cambrioleur et de tout son microcosme appellent à espérer d'autres histoires antérieures aux évènements offerts par ces deux auteurs.