Certaines personnes ont des destins incroyables. Été
1933 : un père et son fils sillonnent les États Unis à
la recherche de musique, d’airs traditionnels, de
chansons de travail, de chants religieux et de tout cet
art qui raconte l’histoire des hommes. A une époque
ou les enregistreurs numériques n’existent pas, John
et Alan Lomax vont ainsi transporter dans le coffre de
leur voiture de quoi graver à l’aide d’un phonographe
tout un pan de la culture Américaine. Et c’est tout
particulièrement dans les états du sud que l’action
prend son sens. Deux hommes partis sauver la culture
noire Américaine, celle des pauvres, des laissés pour
compte, des condamnés. Deux hommes qui, à la
demande du congrès Américain, vont sauvegarder
la culture de ceux qui bâtissent des nations dans la
misère et le mépris.
Frantz Duchazeau nous conte ainsi cette histoire
fascinante de bout en bout, où l’on croise quelques
grands noms du blues (Leadbelly, Son House…) et
les autres, les anonymes ayant la musique comme
seule arme contre la morosité de leur quotidien. L’on
passe ainsi dans des lieux que l’on ne cite pas dans
les livres d’histoire. Que ce soit une prison, une église,
une plantation de coton, un bar réservé aux noirs ou
simplement la rue, la musique est partout.
Dans ces lieux où le racisme est sans cesse présent,
où la ségrégation bat son plein et où plane l’ombre
inquiétante du Ku Klux Klan, aller à la rencontre de
l’autre devient carrément un acte militant. Le parti
pris de ce père et de ce fils permis à des hommes et
des femmes de s’écouter, de leur rendre la dignité
que la société de l’époque leur enlevait. Véritable ode
humaniste, documentaire musical pointu, voyage
initiatique et chef d’oeuvre visuel, l’auteur Frantz
Duchazeau nous régale. Le scénario, librement
inspiré d’après les écrits d’Alan Lomax, nous plonge
ainsi au cœur d’une époque trouble. On en ressent la
chape de plomb, on se prend en pleine face l’absurdité
de la haine, l’absurdité du racisme. Et en même temps
que l’on capte les codes de cette époque, qu’on les
comprend et que l’on en saisit toute les incohérences
survient le génie, l’absolu. Un blues chanté avec les
tripes, un gospel transcendantal, une destinée qui se
découvre et la vie, encore.
JB0182090425