Lune l’envers de Blutch, c’est comme une conversation avec un philosophe un peu perché dans un bar enfumé : fascinant, mais parfois un peu flou. Ce récit, à mi-chemin entre une fable absurde et une réflexion métaphysique, te fait voyager dans un univers où la logique fait un peu grève, mais où chaque page interpelle.
L’histoire suit Lantz, un écrivain raté dans un futur dystopique où la création artistique est régulée, calibrée, et industrialisée. Son existence morne et sans relief prend une tournure étrange lorsqu’il décide de se confronter à son propre vide créatif. Et là, Blutch nous entraîne dans une exploration des méandres de l’âme humaine, entre satire sociale, rêve éveillé, et quête existentielle.
Visuellement, Blutch est fidèle à lui-même : un dessin nerveux, presque onirique, qui oscille entre la précision et le flou, donnant à cet univers une ambiance éthérée et dérangeante. Les personnages semblent constamment au bord de l’effondrement, leurs traits déformés par l’angoisse ou la lassitude. Chaque case est une œuvre d’art, mais cette beauté austère peut parfois te laisser à distance, comme si l’auteur te chuchotait un secret que tu ne pouvais pas totalement saisir.
Côté récit, Lune l’envers est volontairement déconcertant. Blutch pose des questions sans donner de réponses : qu’est-ce que la création ? La liberté a-t-elle un sens dans un monde où tout est prédéfini ? À quoi sert l’art si personne n’en a vraiment besoin ? Mais entre deux réflexions profondes, l’absurde prend le dessus, et certains passages flirtent avec une sorte d’humour noir à la Kafka.
Le problème, c’est que cette construction éclatée et ces digressions volontaires peuvent perdre en route. Si tu n’es pas dans le bon mood, le rythme décousu et l’absence d’enjeu clairement défini peuvent frustrer. On est davantage dans la contemplation que dans l’action, ce qui ne plaira pas forcément à ceux qui attendent une histoire avec une progression classique.
En résumé : Lune l’envers est une expérience de lecture intrigante, déroutante et visuellement fascinante, qui demande une certaine patience et un goût pour l’absurde. Blutch livre une œuvre qui titille l’esprit et laisse des impressions fortes, même si elle ne te tend pas toujours la main pour te guider dans son univers. Un ovni graphique qui fait réfléchir... ou simplement lever un sourcil perplexe.