Une SF décomplexée, aussi résolument nouvelle qu'elle emprunte tout à ce qui lui a précédé. En grand fan de ses pairs (Moebius le premier) Peeters semble ici s'amuser à mettre volontairement le genre en porte-à-faux, à chercher l'opposition, le nouveau, l'ailleurs, dans une sorte de contre-courant étrange, assez gluant parfois, organique et enchanteur. Loin d'être uniquement un cadre symbolique à des divagations existentielles, la SF se voit tout simplement détournée, désaxée, désossée et restructurée en une matière narrative bizarre, tentaculaire, totalement inversée. Matière collante aussi : on s'étonnera ou s’énervera peut-être des longueurs et divagations des deux derniers tomes moins réussis, où le parcours devient moins net, plus métaphysique, plus gênant et troublant, plus intimiste et personnel aussi...
Malgré ces faiblesses, tant de choses dénotent et pourtant paraissent si naturelles dans Lupus : la SF, cadre d'intrigues de peuples entiers, de galaxies en déroute au détour des agissements d'un héros? Voici un simple parcours amoureux, intime et décalé, secondaire, tissant les joies et peines de cœur d'un couple, un space-opera de l'intime. La SF, règne du trait précis et structuré, de la couleur? Voilà un noir et blanc épais et généreux, une merveille de rondeur et de poésie dans un monde souvent ciselé et abrupt. Si le genre s'autorise souvent mille et une divagations sur le fond pour parfois en oublier la forme, ici c'est loin d'être le cas. Et il en va de même pour tant d'autres références : souvent arrachées au plus proches du réel pour être plus lointaines, plus décalées - Peeters avoue avoir fait le tour de tous les objets ménagers de chez lui pour trouver l'inspiration, notamment pour la forme des vaisseaux - s'amuser avec les codes, proposer un autre visage au genre.