La plus grande et la plus évidente qualité de cette bande-dessinée est – je crois – de parler d'amour et de relation toxique à travers ces personnages hauts en couleur habillés en collant. Bien sûr, j'aime les épopées cosmiques, les histoires de criminalité, les combats épiques... J'aime toutes ces folies que peuvent m'offrir la fiction et les comics. Je ne nie pas que dans ces histoires d'affrontement entre le bien et le mal ou de mutations génétiques offrant de super-pouvoirs il y a des valeurs et des sentiments humains, mais Batman : Mad Love, ce message est toujours au cœur de la dynamique entre les personnages. Il n'est pas qu'en toile de fond ou en filigrane, ce propos est le moteur ET l'enjeu de l'action. Quand il est évoqué directement par un protagoniste c'est moins pour matraquer une morale au lecteur que servir l'intrigue et ses rebondissements. Le message de l’œuvre de Bruce Timm et Paul Dini est que l'histoire de Harey Quinn et du Joker, c'est l'histoire d'une femme battue par son mari dont elle est toujours follement amoureuse. Elle nourrit l'espoir secret qu'ils puissent finir ensemble tous les deux si elle parvient à tuer Batman.... et elle risque bien d'y arriver.
Je pense que cette dernière phrase, ce détail, fait toute la différence dramatiquement avec d'autres histoires et métaphores de comics de super-héros. Batman et Daredevil avec leur traumatisme infantile, les X-Men avec leur message de tolérance face à la discrimination dont ils sont victimes... Ce ne sont pas des thèmes moins sérieux ou graves, mais rarement, les héros ont la chance de tenter d'en finir avec leurs souffrances psychologiques et la violence sociale qui les accablent. Leur fardeau est un quotidien qu'ils affrontent sans cesse tels les monstres et les super-vilains hebdomadaires. L'enjeu est symbolique, mais dans une moindre mesure, rarement dramatique. Alors que Harley Quinn, elle, entrevoit réellement la chance d'être heureuse et d'en finir avec tout cela. Concrètement, elle peut y arriver ; mais le lecteur n'est pas dupe, les choses ne peuvent que se finir mal pour elle. Les illusions se brisent et les rapports interpersonnels teintés de dominations physiques et de violences psychologiques éclatent. Cette perspective offre un caractère tragique au personnage et suscite, du même coup, l'empathie du lecteur. « Elle y était presque. », se dit-on en fermant l'album.
Rien que pour cela, je pense que Batman : Mad Love est une œuvre universelle pouvant être lue par n'importe qui sans pré-requis. L'accessibilité n'est peut-être pas le critère ultime pour évaluer une œuvre, mais l'accessibilité de cette bande-dessinée résulte de sa simplicité et de son caractère abouti. Du dessin à la psychologie des personnages en passant par le découpage des planches, Batman : Mad Love est une œuvre soignée et profonde qui ne s’embarrasse pas de complexité, où les personnages et leurs relations sont le cœur de l’œuvre. Et il me faudrait écrire, encore et encore, pour vous dire tout ce que j'aime dans cette BD, mais je m'arrêterai là.