L'univers de Paul Dini est plutôt différent de celui de Frank Miller à priori. Les images, les couleurs et les dessins y sont plus colorés et moins froids mais ça ne veut pas dire que les propos violents et durs chers à Batman sont mis à l'écart. Et ce Mad Love en est un bon exemple. A première vue, un univers assez proche d'un cartoon visuellement (ce qui est logique en sachant le Joker et Harley protagonistes de ce comics) mais une écriture sombre et non dénuée d'intérêt.
Harley Quinn aura sans doute été une des meilleures créations de l'excellente série animée Batman de 1992. A l'origine simple bras droit du Joker un peu trop figurante, mais créée dans le but de donner un côté encore plus fou au Joker (en lui donnant une associée toute aussi folle que lui), le public en est vite tombé amoureux et les scénaristes ont donc inclus le personnage de façon plus importante dans les histoires qui ont suivi. Mad Love est un peu l'apothéose de son personnage, en nous montrant à quel point sa relation avec son "poussin", le Joker, est torturée.
Parce que bon, voir le Joker tout le temps obnubilé par le chevalier noir et la façon dont il pourrait le battre (de la façon la plus drôle possible, l'apothéose de son sens de l'humour face aux gadgets de Batman), ça n'est pas très amusant pour Harley. Elle va alors chercher à se débarrasser de Batman pour enfin vivre la relation qu'elle souhaiterait avoir avec son grand amour, en nous gratifiant de souvenirs de ses débuts à Arkham en tant que psychologue et le début de sa rencontre avec le clown prince du crime.
Comme je l'ai dit plus haut, à priori le dessin est moins dur et plus accessible que dans les œuvres de Frank Miller, mais la violence de ce comics est ailleurs. Il y a une maturité dans le propos mêlant violence et amour qui va même jusqu'au suggestif ("Tu ne veux pas monter sur ton Harley ?") et ça fonctionne. Un très bon exemple de jusqu’où peut aller un amour passionné entre une femme qui avait un bel avenir et le fou dangereux de ses rêves.
Un des points positifs de l'œuvre, c'est bien son exploitation du personnage du Joker. J'aime ce genre d'exploitation qui laisse au spectateur prendre sa décision qui ne sera pas forcément celle de la majorité. Tout le long de l'œuvre, on se demande : Est-ce que le Joker est bel et bien un manipulateur qui depuis le début se sert d'Harley comme pantin ? Ou bien est-ce qu'il tient quand même à elle ? La fin est dans la même veine, on termine de façon ambiguë et libre à chacun d'avoir son opinion là-dessus.
Les scènes à Arkham sont quand même très belles. Dur à croire mais même si on est en droit de se demander si le Joker est un véritable enfoiré manipulateur, le point de vue d'Harley sur son personnage est tout à fait plausible. Le Joker est certes un criminel mais le percevoir comme un clown qui veut simplement amuser la galerie de par ses pitreries toujours gâchées par Batman, c'est plutôt bien vu.
Au final, on obtient un excellent comics qui montre une histoire violente comme les scénaristes de Batman en ont le secret. Des dialogues intelligents, des scènes dures, de bonnes idées et les scénaristes qui ne sont pas tombés dans le piège de faire de Batman un figurant de l'histoire, tout en utilisant intelligemment les deux méchants principaux. Un coup de cœur.
PS : Et si vous pensez que lire c'est pour les faibles, vous pouvez toujours vous rabattre sur l'épisode éponyme de la série The New Batman Adventures qui en est la transposition, et dont l'ambiance et le propos n'en perdent rien en efficacité.