Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Mam’zelle Estérel n’est pas une personne. C’est le petit nom affectueux donné par la famille Faldérault à leur Renault 4L. Ah, ils en ont vécu des aventures avec cette brave petite voiture! Mais en 1992, après 30 années de bons et loyaux services, ils décident de s’en séparer et de la revendre à un collectionneur, même si ça leur fait un gros pincement au coeur. C’est l’occasion pour Pierre et Madeleine Faldérault de se souvenir de leurs premières vacances avec Mam’zelle Estérel en 1962, l’année où l’on dansait sur "Let’s twist again". Cette année-là, Pierre propose à ses beaux-parents de les accompagner en vacances. Pour lui, ce n’est que logique de les inviter: après tout, ce sont eux qui leur ont offert la 4L, tandis que son beau-père ne peut plus prendre le volant après avoir eu un infarctus peu de temps auparavant. Mais cette idée n’est pas vraiment du goût de Mado, qui appréhende de passer deux semaines de vacances avec sa mère, qu’elle surnomme Yvette-la-parfaite. Il faut dire que cette dernière ne manque jamais une occasion de faire une remarque désagréable. Elle reproche à sa fille de fumer, elle lui dit que le fait d’allaiter trop longtemps aura des effets néfastes sur la plastique de sa poitrine, elle empêche son mari de boire la moindre goutte d’alcool ou de manger des frites. Bref, c’est la championne du monde des rabats-joie! Cerise sur le gâteau: alors que Pierre se réjouit d’emmener sa famille à la mer, sa belle-mère décide qu’ils passeront leurs vacances à… Saint-Étienne, une ville davantage réputée pour son équipe de football que pour son attrait touristique. De manière générale, Yvette tient d’ailleurs à choisir elle-même toutes les étapes du voyage, en s’appuyant toujours sur son sacro-saint Guide Michelin. "Ce qu’Yvette veut, Dieu le veut", soupire Mado. Décidément, ces deux semaines de vacances s’annoncent très très longues pour la famille Faldérault…
Délicieusement nostalgique, la série "Les Beaux étés" raconte les grandes vacances d’antan, celles où on prenait encore le temps de descendre lentement vers le Midi, en s’arrêtant pour pique-niquer et en empruntant les routes nationales. Le fil rouge de cette série pleine de bons sentiments signée Zidrou et Lafebre, c’est la famille Faldérault, dont le père dessinateur de BD a toujours des planches à terminer, ce qui retarde systématiquement le départ en vacances de la tribu. Chaque album est centré sur un été particulier: 1973 pour le premier tome, 1969 pour le deuxième tome et donc 1962 pour ce troisième épisode, tout aussi réussi que les deux premiers. Dans la mesure où les auteurs sont remontés plus loin dans le temps, les personnages ne sont pas tous les mêmes: Pierre et Mado n’ont encore que deux enfants, tandis qu’on découvre Yvette et Henry, les parents de Madeleine, deux nouveaux personnages savoureux à souhait. La cohabitation momentanée entre les deux couples est l’occasion pour Zidrou, toujours aussi fin dans ses dialogues et dans son observation des rapports humains, de se pencher sur les relations parfois difficiles entre les jeunes mariés et leurs parents (ou beaux-parents dans le cas de Pierre). Comme toujours chez Zidrou, on bascule rapidement du rire aux larmes et on s’attache instantanément aux personnages, qui se révèlent à la fois drôles et émouvants. "Les Beaux étés" est une série véritablement "feel good", qui fera un bien fou à tous ceux qui ont un coup de blues. Cette réussite est liée au scénario de Zidrou, bien sûr, mais aussi aux dessins du catalan Jordi Lafebre, toujours aussi à l’aise dans cet univers pourtant typiquement belge. Prochaine étape: 1980. On a déjà hâte d’y être!
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