Que vous suiviez ou non l'adaptation animée de March comes in like a lion vous devriez lire le manga de Chica Umino. Entre mélancolie et instants de bonheur partagé le manga nous fait naviguer entre différentes émotions sans jamais nous échouer. La partie débute ci-dessous : (avis sur les tomes 1 et 2 mais sans spoilers)


La froideur de la solitude


Le personnage principal, Rei Kiriyama est un joueur de shôgi professionnel. Si vous ne connaissez rien à ce jeu ne lâchez pas le manga. Non seulement des informations sont données pour nous introduire – progressivement – à l’univers du shôgi dont les parties apparaissent comme autant de moments de vie.


Revenons à Rei : il vit seul dans un appartement plein de vide. Quand il ne participe pas à des matchs de shôgi, il étudie pour s’améliorer, se rend au lycée ou fait des courses. Parfois sa route croise celle de trois sœurs : Akari, Hina et Momo. Elles habitent de l’autre côté du fleuve – l’eau et le vent, deux éléments centraux dans l’animé à retrouver dans le manga – nous y reviendrons. Ce quatuor partage quelques points communs, la faute à la vie, et nous offre des instants beaux, tout simplement.


Contrastant avec le poème en prose de Baudelaire « La Solitude » (in Le Spleen de Paris, XXIII) le manga nous montre que la solitude a des aspects sombres. Un souvenir suffit à obscurcir le visage et à ramener à la surface des pensées qui font mal. On pleure seul. Le bien-être est une chose fugace, qui disparaît aussi rapidement que les aigrettes d’un pissenlit suite à une bourrasque de vent.


La chaleur d’un foyer


Dans ce paysage il y a une lueur de l’autre côté du fleuve. Le pont qui relie les quartiers de Rei (Rokugatsuchô) et des trois sœurs (Sangatsuchô) relie deux univers différents : le sommeil/la vie, la solitude/les liens... Franchir le pont c’est ne pas perdre contact avec le monde qui l’entoure.


La maison où vivent Akira, Hina et Momo est alors un refuge où Rei se rend de temps en temps : les jeunes filles l’invitent souvent mais il faut parfois lui forcer la main pour qu’il accepte de venir. La situation est la même à l’école où Rei parle peu, mange seul, bien qu’un professeur (qui aime le shôgi) lui tienne parfois compagnie et n’hésite pas, lui aussi, à le bousculer. Même dans l’univers du shôgi certains entourent Rei, entre son rival/meilleur ami (Harunobu) et d’autres joueurs qui prennent Rei sous leur aile. Le jeune garçon peut ainsi compter sur des liens qui se substituent, même imparfaitement et incomplètement, à ceux qu’il a perdus.


Tonnerre lointain


Un des éléments les plus frappants de la série c’est sa capacité à créer des ruptures de ton, de rythme, en quelques cases. Ainsi d’une scène où Rei rentre chez lui et voit sa « sœur » Kyôko (le jeu de miroir entre elle et Akari, Hina et Momo a en plus piqué ma curiosité), ou lorsqu'il voit passer un reportage à la télé et fait immédiatement le rapprochement avec sa condition… En un instant l’ambiance se transforme, parfois pour nous faire rire, parfois pour nous émouvoir.


Toujours avec justesse et finesse, Chica Umino nous donne à voir ces moments de plaisir et ces moments de douleur. La fin des tomes 1 et 2 en constitue une bonne illustration. Le quotidien est ainsi fait d’une juxtaposition de différents instants. On pourrait ainsi voir la vie comme une partie de shôgi : il faut avancer ses pièces et tous ces mouvements donnent, à la fin, un parcours de vie, une trajectoire, avec des hauts et des bas.


Ce qui est précieux


Chica Umino aime son manga. Cela se ressent dans son travail, dans le soin qu’elle met à nous expliquer le shôgi ou à présenter les personnages. Il n’y a pas de potiche mais des personnages qui contribuent à faire avancer le grand tout que constitue March comes in like a lion. Le rendu des personnages convainc rapidement et, plus encore, les expressions de ces derniers, leurs interactions rendent le manga éminemment réaliste.


Autre élément participant au plaisir de lectures : certaines cases contiennent outre les personnages, les bulles, différentes notes qui participent au comique de telle ou telle situation (celles sur les chats présents chez les trois sœurs sont un modèle du genre). Elles constituent même un certain tour de force car il n’y a jamais l’impression d’une case surchargée. L’occasion d’évoquer le très bon travail de traduction réalisée par Misato Raillard.


March comes in like a lion nous offre des étincelles de vie qui permettent d’éclairer un ciel parfois bien sombre et fait partie de ces mangas qui imprègnent le lecteur, qui continue à vivre en nous après que le tome soit refermé. Avec des personnes pour le partager, c’est encore mieux.


Critique version longue et illustrée à retrouver par ici.

Anvil
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le 20 févr. 2017

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Anvil

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