D'une idée originale de Régis Loisel et de son association à Jean-Louis Tripp est né « Magasin Général ». Le premier volume intitulé « Marie » nous emmène de l'autre côté de l'Atlantique, dans la belle province, le Québec. Le travail des auteurs qui se complètent parfaitement tant dans la scénarisation que dans le dessin s'est enrichit de l'apport de Jimmy Beaulieu qui s'est chargé de la traduction du texte en québécois ce qui donne au texte une saveur inégalable. On oublie trop souvent l'artiste chargé des couleurs. Ici, c'est François Lapierre qui a mis ses talents de coloristes au service d'une histoire qui nous parle d'un temps passé qui n'en est pas pour autant lointain.
En effet, l'action se situe dans les années 20 à Notre-Dame-des-Lacs, charmant petit bourg de Québec. Lorsque Félix Ducharme meurt, il laisse derrière lui son épouse Marie, son magasin et son village. Cette grande douleur, Marie la surmontera. Car ainsi était la vie en ce temps-là. On survivait, on profitait de l'instant, espérant que le souffle suivant ne soit le dernier tant le destin pouvait soudainement vous écraser entre ses griffes sans crier gare.
Le magasin général est le cœur de la paroisse car c'est là que tous viennent se fournir en matériels divers. Grâce au seul véhicule de la région, Marie va se fournir à la ville pour alimenter son commerce. Toujours prête à rendre service, elle aide tout le monde. Elle est comme ca, Marie. Et s'il faut parfois serrer les dents, elle y va quand même car c'est ainsi qu'est la vie à Notre-Dame-des-Lacs.
Marie n'est pas un personnage principal à proprement parler, mais plutôt un lien entre tous au sein de cette petite communauté. Un nouveau prêtre est arrivé et doit prendre ses marques avec cette population que les habitudes racornissent parfois. L'institutrice attend un enfant alors que son homme est parti pour la saison dans la forêt. De rires en pleurs, les grandes peines succèdent aux petits bonheurs. Ainsi va la vie des gens ordinaires dans cet entre-deux-guerres où l'on ressent distinctement l'incertitude des lendemains qui étreint les personnages.
Des planches sans un mot se succèdent donnant une ambiance bien particulière à cette bande-dessinée. Le verbiage est ici inutile car il n'y a pas de vide à combler, juste le temps, la vie à regarder s'écouler. Le malheur frappe parfois remplissant cette vie d'amertume et de regrets, mais c'est une formidable exploration au travers de ces destins ordinaires que les auteurs nous proposent dans cette série indéfinissable car ce qu'elle charrie avant tout est une profonde humanité et une empathie incroyable avec cette petite communauté. Une expérience à lire, à vivre, à aimer.
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