Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre initialement parue en 2009. Elle est l'œuvre de Christian de Metter qui en a écrit le scénario et réalisé les planches en peinture directe.


Le soir du 16 novembre 1959, Truman Capote se félicite d'être en retard pour son rendez-vous dans un bar de New York. Il y pénètre et s'assoie à une table, tout en constatant que son rendez-vous n'est pas encore arrivé, alors qu'il a une heure de retard. Un jeune homme attablé et qui l'a vu entrer se lève et se rend aux toilettes. Devant la glace au-dessus du lavabo, Norman Wells se demande comment il peut aborder Capote et s'il va réussir à en trouver le courage. Alors qu'il retourne dans la salle, il voit Capote héler une femme brune qui vient d'arriver, une certaine Zelda Zonk. Ils discutent de son retard, du sujet du prochain roman de Capote (un crime sordide), du fait qu'Audrey Hepburn ait été retenue pour le prochain film tiré d'un de ses romans plutôt qu'elle. Zelda boit plus que de raison et finit par s'écrouler sur la table. Norman Wells s'avance et propose ses services et sa voiture pour raccompagner Capote et Zelda à leur appartement. Capote accepte et s'endort à l'arrière alors que Norman essaye de lui parler de ses propres tentatives d'écrire un roman. Il les accompagne jusqu'à leur appartement où il les laisse cuver.


Le lendemain, Norman Wells est réveillé par le téléphone : son frère Paul l'appelle pour lui reprocher d'avoir oublié de souhaiter l'anniversaire de leur mère. Il ne croit pas Norman quand il lui dit qu'il a croisé Capote. Une fois habillé, Norman Wells descend de chez lui et monte dans sa voiture (qu'il a surnommée Martine), où il retrouve l'un des escarpins de Zelda Zonk. Il décide d'aller le rendre à sa propriétaire et éprouve une surprise sans borne quand Marilyn Monroe répond à son coup de sonnette. Celle-ci lui suggère d'entrer le temps qu'elle se change avec l'aide de sa camériste, n'éprouvant aucune gêne à se déshabiller devant lui. Sa camériste lui rappelle qu'elle est en retard pour son rendez-vous ; Marilyn accepte qu'il lui serve de chauffeur pour l'emmener. Norman la dépose à l'adresse indiquée, puis se rend finalement chez sa mère. Sur place, il se rend compte qu'elle ne le croira pas et lui parle de sa vie de tous les jours. Le lendemain il est appelé par un éditeur du journal qui veut savoir où en est son article, puis par Marilyn qui veut l'emmener en promenade.


Le lecteur ne peut qu'être intrigué par une couverture qui contient la promesse d'accompagner Marilyn Monroe de l'autre côté du miroir, le temps d'une histoire. Christian de Metter tient doublement sa promesse. D'une part, Marilyn Monroe est bien l'un des 2 personnages principaux du récit, et elle est présente pendant 90% de l'histoire. D'autre part, la couverture peinte n'est pas utilisée juste pour attirer l'œil du lecteur, puisque le créateur a réalisé l'intégralité de ses planches en peinture directe, à l'instar de la couverture. Il utilise sporadiquement des traits noirs ou gris tracés au pinceau, pour établir une ligne de séparation entre les formes. La majorité du temps il laisse le contraste et la différence s'établir uniquement par le biais des couleurs. Indépendamment du mode de dessin choisi, il réalise des images dans un registre descriptif, avec un degré de précision variant en fonction de la nature de la séquence et de ce qui est représenté. Bien sûr, l'attention du lecteur se porte également sur l'utilisation de la couleur, puisque chaque case est peinte. Il observe que l'artiste s'en tient la plupart du temps à une utilisation naturaliste, les couleurs rendant compte de la teinte réelle de ce qui est représenté. De Metter les utilise parfois pour installer une ambiance lumineuse : la grisaille de la neige alors que la tombée de la nuit progresse, la couleur verdâtre indéfinissable des murs de la cuisine de la grande demeure, la couleur rouge passion de la chambre où se sont couchés Marilyn et Norman, le blanc stérile de la chambre d'hôpital.


Bien évidemment, le lecteur espère une Marilyn Monroe ressemblante et rayonnante, dégageant le même magnétisme qu'à l'écran. C'est placer la barre un peu haut pour l'artiste, mais c'est aussi lui qui s'est fourré dans cette situation. De Metter a indiqué dans des interviews qu'il avait regardé les films et les photographies de la star pour être en mesure de retranscrire son apparence. Il a choisi de lui donner des cheveux blond platine, de faire apparaître son grain de beauté, et de lui conserver son sourire franc. Elle n'apparaît nue que le temps d'une seule case, avec une volonté de ne pas la transformer en objet, choix régulièrement réaffirmée par les déclarations et le comportement de Norman Wells. Il sait reproduire la forme de son visage, ses expressions, ainsi que certains gestes observés dans ses films. Le personnage de Marilyn apparaît donc comme un véritable individu, une personne avec ses caractéristiques gestuelles et psychologiques, et pas un fantasme à qui une actrice a donné vie dans des films. Sur ce plan, l'auteur tient ses promesses et donne la sensation au lecteur de côtoyer Norman Jeane Mortenson.


Christian de Metter réalise la majeure partie de ses cases à l'aquarelle. Afin de mieux capturer les émotions des personnages, il utilise régulièrement des traits noirs pour les yeux, les cils et les sourcils, plus rarement pour rehausser les narines. Ces 2 techniques se complémentent bien pour donner vie aux visages avec plus de précision. Du coup, ces mêmes visages apparaissent un peu frustes quand le dessinateur n'utilise pas de trait noir. Il opte pour un jeu d'acteur naturaliste, avec souvent des prises de vue en plan taille ou en plan poitrine, ce qui crée un bon niveau d'intimité avec les personnages. Au fil des séquences, l'artiste plante les différents décors : le bar, l'appartement de Truman Capote, l'appartement de Norman Wells, l'appartement de sa mère, les paysages lors de la balade en voiture, l'extérieur et l'intérieur de Mirror House, et enfin le diner dans lequel Marilyn et Norman s'arrête. Il adapte le degré descriptif en fonction de la scène : parfois de qualité quasi photographique (les motifs du papier peint dans l'appartement de la mère de Norman), le plus souvent sous l'angle d'esquisse des principales formes et lignes directrices. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut ressentir les fluctuations de niveau descriptif de différentes manières : accompagnant l'état d'esprit des personnages, ou les conséquences des limites de représentation de la technique de l'aquarelle, plus qu'une intention d'auteur.


Dans un premier temps, le lecteur se focalise sur l'histoire proprement dite : une rencontre improbable (mais pas impossible) entre un jeune auteur en mal d'inspiration et une star de renommée internationale, triomphant dans le film Certains l'aiment chaud (1959) qui ne met pas en évidence son intelligence. Il suit ce duo dans une escapade à la campagne, avec une maison à l'étrange réputation. Christian de Metter dépeint Norman Wells comme un jeune homme très respectueux de Marilyn, refusant de la voir comme un objet sexuel, s'en tenant à la personne, jusqu'à coucher dans le même lit qu'elle, sans la toucher. La nuit passée à Mirror House relève de la comédie dramatique, l'auteur jouant sur l'enquête menée à tâtons par Marilyn & Norman, mais avec une résolution amenée de manière assez paisible, sans jouer sur le spectaculaire ou la dramatisation. Le lecteur s'amuse à repérer les références et les sous-entendus, comme l'évocation des recherches faites par Truman Capote pour son prochain livre Les domaines hantés (1948), le roman Matthias Sandorf (1885) de Jules Verne, la chanson Go Down Moses, l'utilisation d'un code secret de Pig Pen.


S'il en reste à ce premier niveau de lecture, le lecteur en ressort avec une déception quant à une intrigue finalement cousue de fil de blanc. Dans le même temps, il garde en mémoire des passages étonnant, comme Marilyn se déshabillant sans pudeur devant Norman, le cerf mort devant la maison, la partie d'échec interrompue, ou encore Marilyn réconfortant un vieillard derrière une glace sans tain en se faisant passer pour la voix de Dieu. Il reste également étonné de l'absence de désir physique de Norman. Il referme l'ouvrage et voit l'image choisie pour figurer en quatrième de couverture : le portail métallique du domaine, avec son nom, à savoir Mirror House. L'histoire peut aussi se voir comme une façon de renvoyer l'image des personnages : l'absence de désir physique, 2 individus bourrus qui les accueillent à Mirror House, à la fois prévenants et indéchiffrables, l'innocence de la petite fille qui les incite à s'aventurer plus loin, le père qui a perdu son enfant. L'histoire comprend également une dimension psychanalytique, confrontant les personnages à leur relation avec leurs parents, mais aussi avec leur âme d'enfant. Vu sous cet angle, la nuit passée à Mirror House acquiert une autre signification, devient une révélation pour les personnages.


L'avis du lecteur dépend fortement de ce qu'il est venu chercher et de sa sensibilité pour une forme de conte jouant sur la mise en scène des non-dits et la représentation de l'inconscient. Christian de Metter tient sa promesse de mettre en scène Marilyn Monroe, avec une approche naturaliste et une volonté de montrer l'individu et pas la star ou le fantasme qu'elle incarne. L'intrigue se lit facilement avec des moments surprenants, mais ne prend son ampleur que sous réserve de se prêter au jeu de l'interprétation. La mise en images est effectuée sur la base d'aquarelle, avec une Marilyn ressemblante et une narration visuelle claire, à la consistance fluctuante, ce que le lecteur met ou non sur le compte de la nature des séquences.

Presence
6
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le 12 avr. 2019

Critique lue 74 fois

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C'est un simple code Pig Pen.

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