Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, qui ne nécessite aucune connaissance préalable du personnage. Il contient les 12 épisodes de la maxisérie, initialement parus en 2019/2020, écrits par Steve Orlando, dessinés et encrés par Riley Rossmo, et mis en couleurs par Ivan Plascencia. Les couvertures originales ont été réalisées par Rossmo. Le recueil contient également les 12 couvertures alternatives réalisées par Joshua Middleton, une interview de 10 pages illustrées de croquis, du scénariste, du dessinateur, du coloriste, du lettreur et du responsable éditorial. Il se termine avec l'histoire de 6 pages dans laquelle le personnage est apparu la première fois, en 1955, dans Detective Comics 225, créé par Joseph Samachson & Joe Certa.


J'onn J'onzz éprouve la sensation d'être en feu, tout en s'adressant à une dénommée Diane Meade, pour avouer que Martian Manhunter n'est pas un héros. L'inspecteur de police John Jones se réveille dans son lit, avec encore le poids de la terreur du feu. Il prend sa douche, s'habille, prend son badge et monte dans sa voiture. Il passe prendre sa partenaire, l'inspectrice Diane Meade, chez elle, alors qu'elle commençait tout juste à prendre son petit déjeuner. Ils se rendent sur les lieux d'un crime : le salon du pavillon des époux Ruth et Bud Adams. L'équipe de la police scientifique est déjà sur place. Jones et Meade regardent le cadavre des époux. Jones remarque une laisse arrachée : celle de Spaceman, l'animal domestique de la famille. Il n'y a pas trace d'Ashley Adams, l'adolescente du couple. Il suit les traces jusqu'à la chambre d'Ashley. Il se retrouve soudain sous le coup d'une violente attaque psychique : la fumée de la frayeur. Il lui faut un peu de temps avant de se remettre et de pouvoir répondre de manière cohérente aux questions de sa partenaire qui l'a rejoint dans la chambre de l'adolescente.


Il y a des années de cela, peut-être des décennies, sur Mars à la capitale Ma'aleca'andra, les affaires louches vont bon train dans les quartiers populaires. Le manhunter J'onzz intervient avec violence contre l'un des instigateurs et utilise l'intimidation pour lui rappeler qu'il attend sa part du gâteau, en contrepartie du fait qu'il ferme les yeux sur leurs trafics. Puis il rentre chez lui après une bonne journée de travail, pour regagner son pavillon de banlieue, tout en discutant affaires avec son fourgue. Il retrouve son épouse M'yri'ah, une docteure travaillant dans un hôpital, et sa fille K'hym, encore une enfant. Ils évoquent leur journée respective. K'hym finit par aller se coucher, et les époux peuvent s'accoupler tranquillement dans rituel leur permettant de mélanger leur corps, comme seuls des métamorphes peuvent le faire. Après ce moment de détente et de communion intense, M'yri'ah demande à son mari pourquoi il ne partage pas entièrement son espace psychique avec elle. Il répond qu'il préfère garder pour lui les horreurs liées à l'exercice de son métier. Au temps présent, John Jones conduit la voiture, et Diane Meade occupe le siège passager, rentrant de nuit du pavillon des Adams. Soudain, il a une vision : celle de sa fille comme prisonnière d'une gangue de glace au milieu de la route, et il perd le contrôle du véhicule.


En 2018, l'éditeur DC Comics connaît un succès inattendu avec un format inusuel : une histoire complète en 12 épisodes Mister Miracle (2018) par Tom King & Mitch Gerads. Même si ce succès est intrinsèquement lié aux créateurs, l'éditeur décide de réitérer ce coup de maître, en réutilisant le même format pour Freedom Fighters: Rise of a Nation (de Robert Venditti & Eddy Barrows) et avec Martian Manhunter. Par la suite, ils continuent avec des maxiséries consacrées à Jimmy Olsen (Matt Fraction & Steve Leiber), Lois Lane (Greg Rucka & Mike Perkins), et Adam Strange (Tom King & Mitch Gerads, avec Evan Doc Shaner). La présente maxisérie attire l'œil du lecteur du fait de sa couverture et de l'artiste : Riley Rossmo, dessinateur à la forte personnalité graphique. Lui et Orlando ont déjà collaboré ensemble pour Batman/The Shadow: The Murder Geniuses . Pour autant pas sûr que le lecteur soit très investi dans le personnage de Martian Manhunter, même s'il a déjà eu le droit à d'excellentes histoires en solo comme la minisérie de 4 numéros de 1988 par John-Marc DeMatteis & Mark Badger, ou la série continue (36 épisodes) Martian Manhunter: Son of Mars (1998-2001) de John Ostrander & Tom Mandrake. Voire, il connaît peut-être déjà l'essentiel de ses origines.


D'un autre côté, la couverture est alléchante. Steve Orlando a conçu une intrigue assez simple : une enquête sur la disparition d'une jeune adolescente, la présence d'une entité animée de mauvaises intentions et liée au passé de J'onn J'onzz, des retours dans le passé pour raconter la vie de J'onzz sur Mars, au sein de sa cellule familiale, et en tant que Manhunter. Dès le début, le lecteur découvre que J'onzz était un policier corrompu, et il en apprend progressivement plus sur sa façon d'être un ripou, sur ce qui a causé la destruction de Mars, avec l'apparition obligée du professeur Mark Saul Erdel, et de la déité martienne H'ronmeer. L'intrigue est facile à suivre, bien rythmée, sans répétition, avec l'utilisation de superpouvoirs, et un ennemi vraiment méchant. C'est agréable, un peu différent de la dose de superhéros industriel, ne serait-ce que parce que ça ne se déroule ni à New York, ni à Metropolis, ni à Gotham. Mais de là à mériter les louanges incluses sous forme de citation de la part de Brian Michael Bendis, Gerard Way, Ryan Stegman, Paul Pope, Kelley Jones, Daniel Warren Johnson, Eduardo Risso, James Tynion IV, Andy Kubert, Jef Lemire, Kelly Sue DeConnick… ?!?


Pourtant, le charme de l'histoire agit dès la première page, et ne faiblit pas tout du long de ces 12 épisodes. Le lecteur se sent emporté dans un monde très tangible, enchanteur, auprès de personnages de bande dessinée, avec une forte personnalité, très vivants, dans des lieux où il peut se projeter, avec des images étonnantes. Il ne lui faut pas longtemps pour être comblé d'aise par des visuels épatants : l'apparence souriante de Diane et John, l'étrangeté des habitations sur Mars, la silhouette de J'onzz en train de fondre, la pauvre Ashley Adams s'étouffant avec les gaz injectés dans le bocal ajusté sur sa tête, J'onzz progressant dans la représentation mentale des perceptions d'une iguane, l'incendie psychique qui ravage Mars, Diane et John en train de s'affronter au squash, J'onzz explorant les couloirs de la base souterraine du criminel. Considérés sans la mise en image, ces moments relèvent des conventions ordinaires des comics de superhéros ou d'aventure, sans grande originalité. Racontés par Riley Rossmo, ils prennent une saveur truculente, qui les rend uniques. L'artiste ne cherche pas à rendre compte d'un monde réaliste : il exagère les personnages, et les décors. Par exemple, la hauteur de la chevelure de Diane Meade et sa souplesse sont impossibles, en font un personnage de dessin animé pour enfants, de même que les expressions exagérées de son visage. Elle n'en devient que plus attachante, le lecteur ayant un accès direct à son état d'esprit, à ses émotions sans filtre. Il en va de même pour le Manhunter qu'il soit dans sa forme humaine de John Jones, ou dans sa forme martienne de J'onn J'onzz. Il s'agit donc d'une représentation des personnages teintée d'expressionnisme, très parlante.


Contrairement à l'habitude, Riley Rossmo ne combine pas ces personnages de dessins animés avec des décors simplifiés, voire inexistants. Il apporte le même soin et le même degré de détails pour les différents environnements, pour les ameublements et les aménagements intérieurs et les accessoires, avec la même touche expressionniste, sans systématisme pour cette dernière. Cela aboutit à une narration visuelle aussi exubérante que personnelle. Du coup, l'intrigue parfois conventionnelle sert de support parfait pour les dessins qui apportent tellement de choses. D'un côté, l'accouplement de M'yri'ah & J'onn J'onzz n'est pas si original que ça dans l'idée de mettre à profit leur capacité métamorphe, mais les images qui en résultent sont extraordinaires d'expressivité et de personnalité. C'est un cas d'école où l'artiste prend le dessus sur la manière de raconter au point de supplanter le scénariste dans l'intrigue, tellement il fait siens ces personnages et ces lieux, tellement il apporte à l'histoire. Le lecteur pourrait presqu'en venir à ne pas remarquer que Steve Orlando ne se contente pas du minimum, se reposant entièrement sur la flamboyance du dessinateur. Au fur et à mesure des épisodes, le lecteur se rend compte qu'il aborde des thématiques adultes, sans les approfondir, mais sans se limiter à une suite de péripéties spectaculaires : la tentation de céder à la corruption pour offrir une vie meilleure à sa famille, le choix de supporter les conséquences de responsabilités en épargnant ce poids à ses porches, la confiance entre partenaires professionnels, l'imperfection de la nature humaine et la façon de vivre avec ses défauts, avec des choix douteux, la confiance inconditionnelle qu'un jeune enfant place dans ses parents, la responsabilité individuelle pour répondre de ses actes, la nécessité d'un système de justice tout en sachant qu'il ne peut pas être parfait, etc. Il se produit ainsi un effet cumulatif qui s'ajoute à la qualité des pages et qui fait de cette aventure un récit de premier plan, servi par des compositions épatantes comme l'accouplement, mais aussi le rite d'entrée dans l'âge adolescent sur Mars (le choix de sa forme corporelle), la double page des souvenirs de John Jones, etc.


Le lecteur n'est pas dupe et sait très bien qu'il s'agit à la base d'un produit éditorial pour reproduire le schéma du succès de Mister Miracle de King & Gerads. Il constate rapidement que Steve Orlando écrit une aventure débridée sur la base de rebondissements conventionnels. Il ne peut pas s'attendre à la qualité littéraire de la narration visuelle de Riley Rossmo, à la fois légère et dense, spectaculaire et émotionnelle, foisonnante et maîtrisée. Il apprécie que le scénariste ne se repose pas entièrement sur l'artiste et qu'il insère dans son récit plus de choses qu'une suite d'événements classiques. Le tout constitue une lecture très divertissante, très dépaysante, très cohérente et personnelle.

Presence
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le 18 août 2020

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