Maus, un mètre-étalon du Graphic Novel

Disclaimer : cette critique a été écrite pour Radio Campus de Grenoble à la base.

Maus. Une œuvre majeure de la bande dessinée, ayant remportée de nombreux prix, tel le prix Pullitzer en 1992, un Eisner Award la même année ou encore Le meilleur album étranger du festival d'Angoulème en 1988 et 1993. Une renommée qui a tendance à perdurer pour une œuvre commencée en 1986 et terminée en 1991 : la preuve en est qu'en 2013, elle fut le sujet principal d'une exposition au musée de Vancouver. L'oeuvre fascine, pourquoi ?
Maus est une bande dessinée d'Art Spiegelman, et est un récit autobiographique portant sur la Shoah. Mais autobiographique d'un genre différent que ceux à quoi l'on est habitué : Nous n'avons pas ici le témoignage d'un survivant de l'Holocauste, mais au contraire celui d'un fils d'un de ces survivants. Un fils qui doit, au crépuscule de la vie de son père, lui tirer les vers du nez afin non seulement de connaître une histoire qu'il ne lui a jamais raconté, mais également dans l'idée d'en faire une bande dessinée afin de transmettre l'histoire tel que son paternel l'a vécu.
Car ce qui fait de Maus une si grande œuvre, ce n'est pas parce qu'elle traite de la Shoah. Non, bien des œuvres, dans tous les genres, en traite. Ce n'est pas non plus le concept de traiter chaque groupe par un animal distinct : Ainsi, les juifs sont des souris poursuivies par le chat allemand qui eux-même fuiront devant le chien américain, par exemple. Non, ce qui fait la force de Maus et fait que je ne peux en parler comme une autre œuvre, c'est le regard du fils, ce narrateur qui est aussi personnage dans l'histoire.
Car en plus de vivre l'histoire du père lors de la montée du nazisme, des rafles et de la Shoah, nous découvrons également des passages dans les années 1970 et 1980 où l'auteur fait parler son père, vit avec lui et nous montre ce qu'il est devenu. Finalement, ce pére, n'est pas un héros, il n'est pas idéalisé : il a survécu car il a finalement réussi à s'adapter pas toujours de façon très morale, il est lui-même un raciste assez flagrant et un avare patenté. C'est un récit sans concessions, qui n'idéalise pas son personnage, qui est vrai, brut de décoffrage. Car des récits-témoignages sur la Shoah, il en existe des tas. Ce qui fait ressortir celui-là, c'est bien ce regard porté par le fils sur le père, un regard sans concessions.
Ce qui achève de donner autant de force à l’œuvre, c'est aussi tout le questionnement sur la mémoire que l'on y retrouve. Le père de l'auteur est mort, et il se demande aussi comment amener son récit sous forme de bande dessinée : l'auteur nous y parle de ses doutes et questionnements sur la façon d’amener cette histoire, cette peur de salir son père décédé, la presse et les critiques de son livre y voyant des messages cachés ou lui reprochant encore une fois de parler de ce sujet, …

Maus est une œuvre merveilleusement double, autant sur son fond que sur sa forme : Elle est d'un côté l'histoire d'une double traque, celle des nazis contre les juifs, mais aussi celle d'un fils sur son père, décédé et dont il ne lui reste plus que souvenirs et enregistrements. Mais c'est également d'un côté un témoignage sur l'un des plus grands charniers du vingtième siècle tout en étant une réflexion sur comment raconter ce genre de choses, et, encore plus important, sur comment vivre cette narration, cette transmission.

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le 20 mars 2015

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Sn_Parod

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