Ce tome comprend une histoire complète qui ne nécessite pas de connaissance préalable des personnages. Il contient les 3 épisodes de la minisérie, ainsi que les 11 couvertures (originales + variantes), initialement parus en 2018, écrits par Brian Haberlin & Brian Holguin, dessinés et encrés par Brian Haberlin, avec une mise en couleurs (de type peinture) réalisée par Geirrod Van Dyke.
Quelque part vraisemblablement dans un pays de l'Europe de l'Est au moyen âge, une armée avance sur un champ de neige pour aller livrer bataille. Elle se compose en fait d'une vingtaine de personnes, essentiellement des fermiers soit assez jeunes, soit déjà assez âgés, sans expérience du combat, armés de haches et de fourches. Ils se retrouvent face à un groupe de créatures surnaturelles, à moitié zombies, à moitié créatures démoniaques, avec un géant dans leurs rangs. Le contact entre les 2 groupes ayant été établi, les paysans se font massacrer, sans réussir à ralentir l'avancée des monstres, sans réussir à leur faire mal. Alors qu'il y a déjà plusieurs morts, les survivants entendent le son d'un cor, et voient arriver un chevalier en armure sur un fougueux destrier, avec une longue cape rouge flottant au vent, et une longue épée. L'un des morts vivants décoche une flèche filant droit sur le heaume du chevalier. Celle-ci se s'arrête net à quelques centimètres du casque, stoppée par une énergie verte irradiant des yeux du chevalier.
Hellspawn se lance dans la bataille et met rapidement en déroute les monstres. Un paysan voit en lui le retour de leur roi. Non loin de là, dans un château perché au sommet d'une élévation rocheuse, dans la grande salle du trône, une reine accueille le corbeau Scourge qui revient du champ de bataille, pour lui faire son rapport. Elle voit l'image du grand guerrier, crève les yeux du corbeau, puis marche dessus. Sur le champ de bataille, un paysan accueille le chevalier en tant que roi Valon. Le chevalier n'a aucun souvenir de qui il était avant de revêtir son armure. Les paysans l'enjoignent à retirer son heaume. En découvrant son visage ravagé, ils lui demandent instamment de le remettre incontinent. Le groupe revient au village, et l'ancien du village évoque l'époque où régnait le roi Valon, avec son meilleur ami Leith, et sa femme Rielle. Ces souvenirs évoquent vaguement quelque chose dans la mémoire d'Hellspawn, sans qu'il ne gagne l'assurance qu'il s'agisse de son histoire. Ailleurs, une jeune femme armée d'un gant métallique émettant de l'énergie se bat contre des monstres, perd et le gant s'abîme dans les profondeurs de l'océan. Des années plus tard, un navire vient à voguer dans les parages, avec à son bord le barde aveugle Sea Hawk et une jeune femme appelée Starling.
Pour les connaisseurs, ce n'est pas la première fois que Medieval Spawn et Medieval Witchblade se rencontrent, car ils s'étaient déjà croisés en 1996, dans Medieval Spawn Witchblade par Garth Ennis, Brandon Peterson et Batt… même si ce ne sont les mêmes qui se croisent dans cette nouvelle rencontre. Très tôt dans la série, Todd McFarlane a eu recours à d'autres créateurs pour donner vie à son personnage Spawn (Al Simmons, créé en 1992), et il a fait fructifier la franchise en favorisant des déclinaisons alternatives de Spawn. Wichblade (Sara Pezzini) est un personnage créé en 1995 par Marc Silvestri, David Wohl, Brian Haberlin et Michael Turrner. Pour cette coopération entre les 2 personnages Brian Holguin a décidé de repartir de zéro avec des itérations toutes neuves. Spawn apparaît comme un individu revenu des enfers on ne sait comment, et disposant d'une grande force. Le scénariste lui consacre le premier épisode avec son apparition devant les paysans, et sa redécouverte progressive et incomplète de son passé. Holguin reprend le schéma classique des paysans dépassés par un ennemi bien supérieur en force brute et en nombre, qui vont bénéficier de l'aide d'un sauveur, vraisemblablement leur ancien roi disparu depuis plusieurs décennies. Cet avatar d'Hellspawn reste à l'état de héros assez générique en ce qui concerne sa psychologie et ses motivations. Par contre, il bénéficie d'une extraordinaire définition graphique par Brian Haberlin, en particulier pour son heaume, finement ciselé, avec une texture métallique, le tout réalisé à l'infographie avec un niveau de détails extraordinaire.
Le deuxième épisode sert à introduire la nouvelle itération du personnage de Witchblade. Chaque épisode comprenant 31 pages de comics, le scénariste dispose d'une bonne quantité de pages pour raconter l'histoire du personnage. Il peut donc se permettre le luxe de commencer par évoquer la mort de la précédente porteuse du gantelet Witchblade pendant 6 pages, puis introduire le personnage de Sea Hawk pendant 7 pages, avant de vraiment passer à Starling elle-même. L'histoire se lit comme une l'aventure d'une orpheline à une époque médiévale, qui se voit prise en charge par un aveugle bénéficiant de visions, et totalement autonome malgré sa cécité. Sea Hawk dispose d'une personnalité un peu moins convenue que celle de Hellspawn grâce à son sens de l'humour sarcastique. Brian Holguin prend bien soin de montrer que la vie de Starling lui a appris à être totalement autonome et à ne compter que sur elle-même, ce qui fait qu'elle n'accepte pas sur le champ la tutelle de Sea Hawk. Les dessins de Haberlin montrent une jeune adolescente à la morphologie normale, sans sexualisation particulière. Le lecteur attend bien sûr impatiemment le moment où Starling va récupérer le gantelet, et il remarque que le dessinateur choisit une représentation plus organique et moins technologique pour ledit gantelet que pour l'amure d'Hellspawn.
À partir de l'épisode 3, la structure du récit rejoint le déroulement bien balisé : les 2 héros se rencontrent (ils se mettent d'accord plutôt rapidement), ils font équipe, ils se retrouvent face à la méchante reine et doivent se battre contre les monstres. Toutefois la narration globale n'en fait pas un récit tout public, ou mièvre. Brian Holguin écrit des récitatifs formels, dans une langue posée, sans usage de grossièretés ou de syntaxe malmenée. Il lui arrive de temps à autre de doubler, dans un cartouche, l'information déjà contenue dans les dessins. Les personnages s'expriment parfois à haute voix pour être sûr que le lecteur comprenne bien leurs intentions. Sans être aussi copieux que les cellules de texte d'un comics écrit par Todd McFarlane, le lecteur sent que Brian Holguin appartient à la même école de narration, ce qui donne un rythme un peu plus posé à la lecture.
Si ce n'était pas précisé sur la page de titre, le lecteur ne pourrait pas imaginer que les dessins et la mise en couleurs n'ont pas été faits par le même artiste. Brian Haberlin détoure les formes avec des traits d'encrage assez fins. En fonction des cases, il peut détourer la silhouette et le visage d'un personnage avec des traits secs, un peu cassants par endroit, ce qui leur insuffle une forme de spontanéité. Il représente les costumes avec la même technique, sauf lorsqu'il s'agit de l'armure de Hellspawn, d'un accessoire métallique (comme le bandeau qui ceint le front de Sea Hawk), ou encore les bijoux de la reine Rielle. Pour ces éléments, il utilise l'infographie afin d'inclure des textures hyperréalistes de métal. S'il y prête attention, le lecteur peut également observer l'usage de l'infographie pour quelques décors, comme le château de Rielle sur le sommet rocheux, ou l'intérieur de la salle de réception du même château, dans une moindre mesure la surface de l'eau. Il apprécie aussi l'utilisation de l'infographie pour les effets spéciaux, à commencer par les décharges d'énergie. De fait, ces pages proposent des visuels sophistiqués qui s'adressent à des lectures adolescents ou adultes, en phase avec le mode narratif du scénariste.
Effectivement, Geirrod Van Dyke effectue un travail de mise en couleurs parfaitement amalgamé aux traits encrés des dessins, avec une apparence de couleur directe. La qualité de ce travail est d'autant plus impressionnante que van Dyke arrive à combiner les contours parfois rugueux, avec une mise en couleurs donnant une impression de peinture par aplats irréguliers, donnant une impression organique, également avec les textures donnant l'impression de photographies, auxquels viennent parfois se superposer les effets spéciaux. À l'opposé d'une superposition de techniques hétérogènes, les pages offrent une grande cohérence. Le lecteur tombe en arrêt à plusieurs reprises devant des spectacles énormes : l'arrivée d'Hellspawn sur son destrier, le vaisseau de Sea Hawk fendant les flots, le monstre conjuré par Rielle, Hellspawn s'élançant avec l'épée tirée au clair contre le monstre géant, les cieux parcourus d'énergies fantastiques et destructrices. En prenant un peu de recul, le lecteur se rend compte que Brian Haberlin et le coloriste ne se concentrent pas sur les cases qui en mettent plein la vue, mais sur la narration avant tout. Le dessinateur privilégie les cases de la largeur de la page, non pas comme une facilité pour ne mettre qu'une tête de personnage au milieu avec un camaïeu pour tout arrière-plan, mais pour proposer un spectacle écran large. Le lecteur peut donc se projeter dans chaque endroit, en appréciant la texture de l'eau, ou de la neige, ou de la roche, au milieu de personnages très présents et incarnés.
En découvrant l'existence de cette nouvelle (mais aussi première) rencontre entre Medieval Spawn et Medieval Witchblade, le lecteur se prépare à une plongée dans les premières heures d'Image Comics, dans les années 1990. Il découvre avec plaisir des dessins magnifiques tirant le meilleur parti des capacités de l'infographie, sans que cela ne prenne le pas sur la narration. Il se rend compte qu'il s'agit de nouveaux personnages qui respectent les principales caractéristiques des originaux, et que la narration en mots respecte l'esprit des comics de Spawn, en moins verbeux quand même. Il plonge dans un monde pleinement incarné, tout en comprenant plusieurs conventions génériques. Le récit suit lui aussi un schéma bien balisé, agréable, sans offrir de réflexion particulière.