Critique de Mission fantôme - Ghosted, tome 1 par Masto
Pas de quoi s'enflammer mais un bon petit divertissement, relativement vite oublié cependant...
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le 8 juin 2014
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Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute. Il comprend les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2013, écrits par Joshua Williamson, dessinés et encrés par Goran Sudzuka, avec une mise en couleurs de Miroslav Mrva. Ce premier tome comprend une histoire complète équivalent à une saison satisfaisante pour elle-même. La couverture est de Matteo Scalera, les couvertures de chaque épisode ont été réalisées par Sean Phillips (et sont incluses, ce qui est rarement le cas pour les éditions Skybound, la branche éditoriale de Robert Kirkman, au sein d'Image Comics).
Suite à un casse qui a très mal tourné, Jackson T. Winters croupit dans une cellule, avec un voisinage qui n'attend que de pouvoir lui imposer ses préférences sexuelles. Il est libéré par une jeune femme appelée Anderson Lake lors d'une évasion aussi soudaine que brève et brutale. Arrivés dans une riche demeure, elle lui explique qu'elle travaille pour Markus Schrecken qui a une mission à lui confier, ou sinon il retourne en prison. Schrecken exige que Winters capture un fantôme dans la demeure Trask, cossue et abandonnée.
Première étape : ne souhaitant pas particulièrement retourner en prison, Winters constitue une équipe. Anderson Lake est imposée par Schrecken. Winters recrute Oliver King (enquêteur sceptique, spécialisé dans la mise à jour des arnaques au spiritisme), Robby Trick (prestidigitateur et voleur d'objets d'arts ayant trait au spiritisme), Jay & Joe Burns (vidéo-reporters s'étant spécialisés dans les documentaires sur les manifestations surnaturelles), et Edzia Rusnack (médium, également choisie par Schrecken). Deuxième étape : se rendre dans le manoir Trask de jour, et effectuer une reconnaissance.
Le concept de cette série n'est pas forcément très alléchant a priori. Un individu qui a raté un casse est considéré comme un expert en manifestations surnaturelles, et doit ramener un spectre à un commanditaire qui a les moyens. Le lecteur sait donc par avance qu'il y aura une équipe de spécialistes, qu'ils vont se balader dans une maison hantée, et que le scénariste devra se positionner à un moment ou à un autre sur l'existence des fantômes et donc des manifestations surnaturelles. Il se trouve que la représentation de fantômes dans les comics est souvent générique, peu impressionnante, et moins effrayante que dans un film.
Néanmoins ce scénariste a déjà réussi des récits fort sympathiques comme Birthright ou dans un autre genre Xenoholics (en VO), et que Goran Sudzuka fut l'un des dessinateurs de la série "Y le dernier homme" de Brian Wood, de celle de Wonder Woman par Brian Azzarello. Ainsi attiré, le lecteur entame son récit, dans la position du sceptique, à la fois sur la qualité réelle de ce récit, mais aussi en ce qui concerne les phénomènes surnaturels (par contre, ces derniers sont souvent source de récits très divertissants). La première bonne surprise est que dès le premier épisode, l'équipe de Winters est à pied d'œuvre dans le manoir Trask. Pas de temps perdu pour faire échapper Winters, exposer la mission, recruter les membres, et les mettre au boulot. Williamson ne tire pas à la ligne et il imprime un rythme rapide dès la première page qui ne faiblit pas tout du long des 5 épisodes.
Deuxième bonne surprise, Jackson Winters n'est pas un bon samaritain et ses capacités de stratège s'expriment de manière visible. Ainsi il ne se laisse pas impressionner par son employeur potentiel, il refuse les individus qu'il souhaite lui imposer, et il sait qu'ils ne doivent pas rester dans le manoir pendant la nuit. Le scénariste joue donc avec une partie des attentes du lecteur en lui montrant qu'il connaît les ficelles de ce récit de genre, qu'il s'agisse des clichés de la chasse au fantôme, ou de ceux de l'organisation d'un casse. Il montre que Winters sait utiliser ses capacités de stratège pour anticiper d'autres types d'entourloupe, et qu'il a un sens de la répartie bien cassant (en particulier lorsqu'il répond à Anderson Lake que chaque fois qu'elle ouvre la bouche il a une érection).
Dès le premier chapitre, le lecteur a donc l'assurance que le scénariste s'adresse à des adultes, avec des personnages qui se comportent en adulte. Il constate également qu'il a choisi de jouer sur le doute en alternant des séquences où les fantômes semblent exister, et d'autres où ils semblent plus être une forme d'interprétation de la part d'un personnage ou d'un autre. Goran Sudzuka s'amuse également à mettre cette incertitude en image. Par exemple dans l'épisode 2, Winters et Lake marchent le long d'un couloir, semblant passer devant le lecteur, dans un plan fixe de 4 cases de la largeur de la page. Au mur est accroché le portrait d'une femme en belle robe rouge qui suit le duo des yeux. Le lecteur peut prendre ce phénomène au premier degré comme une manifestation surnaturelle, ou il peut y voir un clin d'œil à des séquences du même type dans Scoobi-Doo.
Sudzuka utilise une approche réaliste, avec un bon niveau de détails. Les expressions de visage sont un peu simplifiées, et pas toujours nuancées. Par contre les personnages disposent de morphologies réalistes, jusqu'à Robby Trick qui fait vraiment son âge (une bonne cinquantaine d'années, un peu bedonnant). Il s'investit fortement pour donner une personnalité à chaque lieu. Le dessin en double page montrant le vaste salon de Schrecken, avec tous ses trophées est très impressionnant. Le lecteur voit pour la première fois le manoir Trask, également dans un dessin en double page, très détaillé, qu'il s'agisse de chaque tuile représentée sur les pentes des toits, de l'architecture complexe, des statues sur la pelouse à l'abandon, ou encore des gargouilles sur le toit. Si la disposition des pièces ne peut pas être établie à partir des dessins, chaque pièce dispose de son propre aménagement, de son propre mobilier.
L'artiste sait donner suffisamment de substance à chaque pièce pour que le lecteur puisse éprouver la sensation de se trouver dans une demeure qui a été habitée, et pas dans autant de décors en carton-pâte. Les personnages disposent chacun d'une tenue vestimentaire spécifique, en cohérence avec leur personnalité, et avec leur fonction dans l'équipe. Les gestes et les attitudes sont mesurés comme celles de véritables adultes, pas de gesticulation en tous sens à chaque phrase. Les images montrent donc des actions concrètes et réalistes qui ancrent la narration dans un quotidien réaliste et plausible, donnant ainsi plus de force par comparaison aux manifestations surnaturelles réelles ou imaginées.
Joshua Williamson n'a pas dilué son récit, et il a inclus plusieurs moments mémorables, qui demandent un savant dosage de la part de l'artiste. Dans la mesure où le déroulement du récit est rapide, il faut que les images montrent clairement la situation (sans possibilité de redite à la page d'après), sans pour autant tomber dans le cliché visuel ou l'exagération. Sudzuka relève ce défi avec une certaine efficacité. Dès la première page, il doit montrer une relation sexuelle non consentie entre détenus, puis un accident avec un couteau sous la douche dans la page suivante. Son choix de rester dans une représentation prosaïque, sans effet impressionniste ou abstrait se révèle très adapté à la nature du récit.
En dessinant des formes ectoplasmiques flottant dans les airs, il donne à voir une représentation littérale que le lecteur peut assimiler à la vision imaginaire d'un personnage. Lorsqu'il lui faut montrer une cérémonie de spiritisme avec un masque africain peut-être doté de pouvoirs, le dessin laisse à nouveau le choix au lecteur : parodie idiote, ou premier degré inquiétant ? Lorsque Sudzuka montre un meurtre de sang froid (strangulation par derrière avec une corde à piano), il n'y a pas de sensationnalisme, d'angle de prise de vue accentuant le mouvement, ou de gros plan sur les chairs tranchées. Le lecteur constate l'efficacité du tueur dans toute sa froideur. Parfois cette approche atteint ses limites quand Sudzuka ne sait pas trop comment rendre crédible un point particulier (la régie vidéo installée en un tour de main dans une des pièces du manoir Trask) ou quand les délais commencent à presser (la diminution de la densité de décors dans l'épisode 5).
Joshua Williamson mène la danse avec efficacité, en insufflant un soupçon de personnalité aux personnages (pas tellement quand même, Oliver King reste défini uniquement par son scepticisme), avec quelques touches d'humour à froid savoureuses, et une intrigue bien ficelée. Il doit lever le doute quant à l'existence du surnaturel en cours de récit, sans ambiguïté (ce qui laisse une partie des personnages sans plus de motivation, la preuve ayant été faite de l'erreur de leur conviction en la matière). La résolution s'inscrit dans les celles des casses avec des surprises pas agréables, et des personnages capables de réfléchir à l'avance.
Ce premier tome dépasse les attentes du lecteur, les créateurs établissant très rapidement qu'ils connaissent les conventions du genre (casse à haut risque & enquête surnaturelle) et qu'ils ne se contentent pas de les appliquer comme des recettes toutes faites. Goran Sudzuka réalise une mise en images professionnelle et en retenue ce qui donne permet au lecteur de se plonger dans ces environnements. Joshua Williamson a conçu une intrigue divertissante et bien construite. Une mission rondement menée, avec des surprises, et des personnages professionnels.
Créée
le 27 juin 2020
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Un beau ratage que ce comics bâclé, sans une once d'originalité.
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