Si le nom de Jeffrey Dahmer nous vous dit rien, il est pourtant bien connue à Richfield, petite ville de l’Ohio, et même dans tous les Etats-Unis. Et pour cause, ce serial killer arrêté en 1991 pour le meurtre de dix-sept personnes aura marqué les esprits. Mais comment peut-on en arriver là ? La réponse se trouve dans Mon ami Dahmer, un « grahic novel » de Derf Backderf sortie en février 2013 et lauréat du « prix révélation » de la dernière édition du festival d’Angoulême.
Scénario : Jeffrey Dahmer n’est pas un enfant comme les autres. Asocial et renfermé sur lui-même à cause de problèmes familiaux, cela ne l’empêche pas de nouer quelques liens en cinquième avec un groupe d’élèves dont Derf Backderf fait partie. Les deux adolescents vont se côtoyer de près ou de loin jusqu’en terminale, juste avant le premier crime de Jeffrey. Sa situation familiale, ses premières pulsions meurtrières sur les animaux, son addiction à l’alcool, tous ces aspects sont évoquées scrupuleusement au cours du récit, jusqu’à la descente aux enfers du criminel. Derf brosse donc un portrait détaillé et fascinant de ce futur tueur en série, d’après ses souvenirs personnels, celui de ses amis et une très importante documentation détaillée à la fin du livre.
Dessin : A première vue, le style de Derf Backderf n’est pas tellement remarquable, et déconcerte un peu pendant les premières pages. Des personnages rigides, des décors banals, rien de bien folichon en somme. Mais rapidement, son trait s’intègre parfaitement au récit et dédramatise bon nombre de situation franchement glauque, notamment grâce à une mise en scène atypique. Mention spéciale aux visages des personnages, et notamment celui de Jeffrey, qui traduit toute sa détresse qui tend progressivement vers la folie.
Pour : D’une manière assez indescriptible, le récit est tellement prenant qu’on ne décroche pas avant d’avoir lu la dernière page. Peu de bandes dessinées peuvent se targuer d’être aussi passionnante à lire.
Contre : Ce n’est pas vraiment un point négatif, mais il faut savoir qu’aucun adulte, pas même les parents de Jeffrey, et encore moins ses professeurs, n’ont perçus l’adolescent comme anormal. Ses absences répétées en cours, son alcoolisme notoire, les animaux morts qu’il faisait dissoudre dans des bocaux en verre quand il était au collège, rien de leur a mis la puce à l’oreille. Et c’est précisément pour cela, selon l’auteur, que Jeffrey est devenu un serial killer. Effrayant.
Pour conclure : Avec Mon ami Dahmer, Derf Backderf réussit à raconter l’enfance d’un serial killer de manière détaillé, sans jamais choquer le lecteur. Son œuvre pourrait d’ailleurs très bien être étudiée en psychologie tellement la retranscription des faits réels est pertinent. Un petit chef d’œuvre.