Ce tome contient les épisodes 1 à 9 de la série débutée en 1990. Après avoir oeuvré sur Superman pour DC Comics, John Byrne revient en 1989 chez Marvel pour plusieurs séries : retour sur She-Hulk, reprise Avengers West Coast et de Star Brand, scénarios de Iron Man et cette nouvelle série de Namor qu'il écrit et dessine dans un premier temps (pendant 25 numéros, puis que le scénario pour 7 épisodes de plus).
À l'issue de Atlantis Attacks, le monde entier croit que Namor a passé l'arme à gauche. Soudainement Namor fait surface à proximité du bateau de Caleb Alexander et Carrie (la fille de Caleb) et se met à dévaster un village de huttes à proximité, dans un accès de colère irrépressible. Une fois calmé, il s'en remet aux bons soins de Caleb et Carrie qui lui proposent un traitement pour éradiquer ses colères soudaines. Et ça marche ! Du coup, il décide de s'installer à New York comme homme d'affaires à la tête d'une société à vocation écologique nommée Oracle dont Caleb et Carrie seront les gérants. Il retrouve la trace de Namorita, sa cousine, qui se joint à lui. Mais il attire l'attention de Desmond et Phoebe Marrs, des jumeaux à la tête d'une multinationale qui voient en lui un gibier à la hauteur de leurs talents. Une autre femme d'affaire aux yeux rouges s'intéresse également de près à Namor : Headhunter. Et Namor doit lutter contre le retour du Griffin, contre une marée noir au large de New York, contre un être gigantesque fait de déchets appelé Sluj (avec l'aide de Reed et Susan Richards, et d'Iron man) et contre une chasseuse de tête.
John Byrne revient chez Marvel et fait du John Byrne pour les jeunes adolescents. Il commence par rendre Namor plus agréable, mais pas moins royal, grâce à un traitement et une explication crédible. Puis il en fait un individu habitué au pouvoir et à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Dans ces histoires, Namor est un vrai héros, au sens noble du terme. Il n'hésite à affronter toutes sortes de dangers pour assurer la sécurité de ceux qui lui sont chers et celle des civils innocents. Les aventures sont simples et linéaires, le héros combat le mal incarné par des méchants aisément identifiables.
Malgré tout John Byrne ne se contente pas de débiter de l'aventure grand spectacle au kilomètre. Il introduit quelques bonnes idées telles que le traitement des accès de fureur de Namor, mais aussi la manière dont il change d'apparence pour jouer son rôle de PDG au milieu des nantis (il faut voir sa séance de coiffage pour y croire). D'une manière générale, Byrne applique sa célèbre méthode de revenir aux aventures originelles du personnage et le visage de Namor évoque celui que lui a donné Bill Everett, son créateur. Namor se promène essentiellement en maillot de bain vert à écaille, sans autre forme de vêtement, ce qui introduit parfois un fort décalage avec les gens qui l'entourent. Par contre, il ne va pas jusqu'à lui donner une silhouette plus filiforme, plus en adéquation avec un profil plus aérodynamique (ou aquadynamique) pour qu'il offre moins de résistance lors de ses déplacements sous-marins.
En tant que scénariste, John Byrne se fait plaisir, sans chercher à se mettre à niveau du lectorat plus adulte. À ce titre, la séquence d'ouverture constitue un grand moment de mépris vis-à-vis des peuplades indigènes ; pour un peu le lecteur se croirait revenu au bon vieux temps de la supériorité de la civilisation coloniale. Byrne se moque d'une tribu visiblement animiste et vénérant une idole en forme d'hydravion. Au niveau clichés et anthropologie primaire, difficile de faire plus caricaturale et condescendant. De même, Byrne s'amuse bien avec la force brutale de Griffin, et avec le monstre né des déchets et rebuts rejetés directement à l'océan, comme si les américains ne connaissaient pas le concept de station d'épuration. On n'insistera pas sur le degré zéro de l'évocation de la gestion d'une entreprise, ou sur le courant "petite fleur" écologique qui reste à des messages du type "ce n'est pas bien de polluer". Coté aventures, les histoires coulent toutes seules, et d'autant mieux que Byrne a mis la pédale douce sur leur aspect mélodramatique.
En tant qu'illustrateur, John Byrne se fait encrer par Bob Wiacek le temps des épisodes 1 à 3, puis il s'encre lui-même en rajoutant des trames pour texturer ses dessins. Et à partir de l'épisode 8, il effectue lui-même le lettrage (à l'aide d'une police informatisée sur la base de son écriture). Ce qui est fortement visible, c'est que les 2 moitiés de cerveaux de Byrne (la moitié scénariste, et la moitié illustrateur) travaillent en parfaite cohérence; Cela donne à plusieurs reprises de jolies scènes qui sortent de l'ordinaire des comics de superhéros, et même quelques subtilités. Il y a par exemple Namor immergé dans la piscine de son penthouse, avec Namorita qui plonge la tête dans l'eau pour lui parler (avec un très bel effet de trames et de couleurs pastel). Il y a la séquence magnifique où Namor chevauche Griffin tel un destrier pour le rendre au conseil d'administration de Roxxon. Il y a l'apparence du monstre de déchets qui rappelle les plus beaux monstres des années 1950 conçus par Jack Kirby ou Steve Ditko. Il y a Namorita nageant au milieu des dauphins. Et puis il y a ce passage où Desmond semble proposer une forme de détente incestueuse à Phoebe, tout en suggestion par le langage corporel, qui rappelle les allusions les plus subtiles de Jean-Paul Beaubier à propos de son orientation dans les premiers épisodes de Alpha Flight.
D'une manière générale, Byrne ne se moque pas de son lecteur : il fait un gros effort pour dessiner régulièrement les décors, il trouve des utilisations intelligentes des trames, et il varie les mises en page, pour une narration toujours aussi fluide.
Ces épisodes ne sont pas désagréables à découvrir, ils proposent des grandes aventures avec un héros au premier degré, sans trace de déconstruction, de névrose ou de métacommentaire. Mais il s'agit d'aventures qui s'adressent aux jeunes adolescents, plutôt qu'aux adultes, avec une forme de naïveté, parfois un peu bête.