Chroniques d'un shônen presque réussi
La génération précédente avait eu Dragon Ball comme shônen ayant bersé son enfance et adolescence, et pour la notre, c'est sûrement Naruto qui a pris le flambeau (jusqu'au jour où One Piece sera terminé, mais de ce côté-là, on va dire qu'on a le temps). Pour les non-initiés, qu'est-ce que Naruto ? C'est l'histoire du personnage éponyme dont l'objectif est de devenir le ninja le plus respecté de son village natal et qui, en chemin, va avoir à dégommer des ennemis de plus en plus coriaces, le tout pimenté par des rivalités, alliances variées et autres rebondissements ...
Oui, comme vous pouvez le constater, cette présentation de Naruto correspond étrangement à la définition que l'on pourrait se faire d'un shônen, et pourtant, ce n'est pas nécessairement le cas. Rappelons au passage que le shônen n'est pas un genre, mais seulement une tranche d'âge de lecteurs dans l'univers du manga, en l'occurrence les adolescents. Donc, Naruto, c'est l'archétype du manga destiné aux adolescents, pas l'archétype du manga d'action.
Sur les 27 premiers tomes, Naruto était un gamin de 12 ans qui passait son temps à faire les 400 coups et le côté comique de la série était assez présent, et accessoirement, l'univers autour du personnage avait son côté sombre (je vous renvoie aux premiers tomes de Naruto, n'allez pas me faire croire que vous auriez voulu être un ninja originaire de Kiri, vous ne seriez pas crédibles) et appréciable. En d'autres termes, Naruto était alors le personnage jeune rêvant de changer le monde dans un milieu adulte et autrement plus proche des ninja tels que l'histoire japonaise les décrit.
C'est à partir du 28ème tome, considéré comme le premier gros tournant de la série, que les premiers problèmes ont commencé. C'est l'ère de "Naruto Shippuden" où le protagoniste est sensé être devenu un adolescent qui, comme par hasard, retrouve ses rêves confrontés à la réalité des choses, et le début semble faire croire que ça ne sera pas vraiment agréable. Mais en fait, au lieu de donner quelques leçons de vie et belles claques, non, le personnage enchaîne les updates de malade et finit toujours par gagner.
Et c'est ça le problème : la trame scénaristique de Naruto Shippuden peut se résumer en quatre étapes :
- étape 1 : faut que je devienne plus fort, je vais m'entraîner
- étape 2 : le "méchant" de l'arc apparaît et on te fait bien comprendre qu'il est sensé détruire tout le monde
- étape 3 : Naruto arrive et commence à le défoncer ...
- étape 4 : ... mais comme ça ne suffit pas, il reçoit vers la fin le gros update surprise qui lui permet de battre l'ennemi (qui s'est fait réformé par Naruto au passage)
Et on recommence, et ainsi de suite.
Sans compter que cette série a eu le malheur d'abuser de la règle du fusil de Tchekov, ce qui a détruit plusieurs éléments clés du suspense et donné naissance à de nombreux rallongements inutiles (pour les non-initiés, la règle du fusil de Tchekhov est une règle scénaristique selon laquelle il ne faut pas mentionner d'éléments à un moment de l'histoire si vous n'avez pas prévu de les faire réapparaître par la suite), et c'est comme ça qu'on est arrivé au final de Naruto. Un final où les fusils de Tchekhov se sont enchaînés à une telle vitesse que c'est vite devenu n'importe quoi.
Niveau graphisme, bonne nouvelle, le trait a évolué et s'est amélioré avec le temps, et l'on a eu droit à quelques plans et images qui valent clairement le détour, même si vers la fin, on pouvait sentir que c'est clairement la cadence qui primait, histoire de ne pas laisser le rythme faiblir.
Bref, Naruto est devenu l'archétype du shônen qui a poussé la "continuité" scénaristique aussi long qu'il le pouvait, et ça n'a pas été au goût de tout le monde, comme d'habitude. Mais au moins, on ne pourra jamais lui reprocher d'avoir fauté sur la forme. En somme, c'est un classique, pas forcément excellent, mais une bonne porte d'entrée sur le manga japonais.