En 2005, après déjà 7 ans de Sillage d’une qualité proche de la perfection, Morvan et Buchet décidèrent de céder aux envies des fans. Le dernier volet, QHI, avait donné son lot de révélations et le suspense devenait de plus en plus insoutenable. Quand allait-on enfin en savoir plus sur les humains ? Ou même en voir ? Le duo décida alors de répondre aux attentes et de nous livrer Nature humaine. Si l’intention était sans doute bonne, le résultat fut malheureusement assez décevant pour un tel enjeu ...
Commençons par le commencement : la couverture du 8ème tome de Sillage figure parmi les plus jolies et les plus réussies. On retrouve autant de détermination dans les yeux de Nävis que pour Engrenages. Indéniablement une illustration de grande qualité qui donne envie.
En terme de dessins, Buchet avait toujours assuré avec les précédents volets. Bien qu’ils soient toujours excellents dans Nature humaine, je regrette le fait que cet album signe en quelque sorte la fin d’une mise en couleurs jusque-là exceptionnelle. On trouve certains tons que je qualifierais de « très numériques ». C’était sûrement déjà le cas auparavant, mais le rendu passait beaucoup mieux. Ce tome provoque un peu plus la fin de l’innocence de Nävis et cela se traduit avec une illustration plus « ferme », plus « adulte » et au final « plus sombre ».
La suite de la critique révèle certains éléments de l’intrigue.
Passons maintenant à la discorde. Dans cette BD, l’héroïne va enfin rencontrer des êtres humains, les premiers depuis « Le Père » du 3ème album. Seulement il y a forcément un dilemme : avec une trentaine de tome prévus, les auteurs ne pouvaient tout simplement pas lever le voile sur l’intrigue dès le 8ème. Alors comment introduire des humains ?
Pour moi, l’idée d’une rencontre n’était pas forcément mauvaise mais elle a été très maladroite, conduisant presque un gâchis. En effet, Nävis découvre des hommes et des femmes totalement abrutis par la drogue, la boisson et la violence, qui ne parlent évidemment pas sa langue et ne se souviennent pas vraiment de la façon dont ils sont arrivés là. Et c’est ça la nature humaine que notre héroïne découvre, histoire qu’elle soit bien dégoutée des humains pendant suffisamment longtemps pour qu’on puisse remettre l’intrigue à beaucoup plus tard (plus de 10 tomes après, son envie de réponse est toujours aussi faible).
Je trouve cet album dommage, car il casse le mythe de Nävis, seule humaine vivante connue dans l’univers. « Le Père » avait été introduit de façon intelligente, c’était même un coup de génie. Mais là, Morvan a détruit ce qui avait été lentement construit pendant 7 ans.
Enfin, le mutisme de Nävis pendant la moitié de la BD n’était pas nécessaire, car il empêche de profiter pleinement de l’œuvre. On ne sent pas l’envie de recherche, l’envie de découverte, au final c’est comme si la jeune femme savait déjà qu’elle allait être déçue.
Nature humaine n’est pas mauvaise BD. Aucun album de Sillage n’est mauvais. Je pense simplement que les auteurs ont voulu aller un peu trop vite. Fallait-il vraiment le faire ? Ce tome a peu impacté le reste de la série par rapport à ce qu’il aurait dû. Certains l'ont aimé, d'autres beaucoup moins. Reste au final de beaux dessins et une nouvelle aventure de Nävis qu’on découvre comme toujours avec plaisir. Il laisse simplement un goût un peu amer. L’album de la discorde …