En prenant cet album et en voyant la couverture – je l’avoue – je n’étais que moyennement enthousiaste.
Juste Nävis faisant la moue et affichant son ventre bien plat. Mouais… Tout ce que je n’aime pas dans « Sillage » quoi…


Et pourtant…
Pourtant – surprise – en passant de page en page, force fut bien pour moi de constater qu’ici ou là il y avait des petites choses qui me plaisaient.
J’ai ai notamment trouvé quelques idées purement bédéistiques bien senties…


(Cette page où on voit chacun se remémorer son passé avec Proulouloute l’instructeur, non avec des mots mais avec des images dans les bulles, j’ai trouvé que c’était non seulement une idée malicieuse, mais en plus une idée efficace, sachant pleinement tirer parti de son support.)


Mais j’ai également été agréablement surpris par quelques saillies visuelles qui semblent démontrer que depuis un tome ou deux, l’ami Buchet mise davantage sur la qualité que sur la quantité…


(J’ai beaucoup aimé ce vaisseau modulable avec lequel Nävis, Bobo et C3PO arrivent sur la planète HippieYoupi, notamment lorsqu’on se rend compte qu’il a sa propre gravité ce qui peut donner quelques images assez sympas quand il est posé à la verticale.
Idem, j’ai trouvé les aliens bouboulàquatrebras bien mignons et leur vaisseaux de combats assez stylés.
Quant à la planète HippieYoupi, à défaut d’être vraiment créative, elle a moins le mérite de poser une atmosphère en termes de mariage des couleurs et de décor.)


Et puis surtout et en fin de compte, je me suis laissé séduire par un sens de la narration davantage mûri.


Moi qui m’étais plaint du côté très storyboardé du tome précédent, je trouve assez saisissant de constater comment cet opus 8 opte pour quelque-chose de plus conforme à ce qu’on est en droit d’attendre d’une lecture de BD.
On a beaucoup moins de découpe d’action, davantage de vignettes qui traduisent des moments.
Aussi, arpenter ces vignettes devient intéressant, parce que dans les regards, les décors, les gestuelles, elles disent et montrent des choses de ce monde dans lequel Nävis accepte progressivement de sombrer.


D’ailleurs, j’avoue qu’elle a fini par bien me séduire cette intrigue.
Après un début qui s’embourbe un peu dans les simagrées propres à la saga (auto-fascination pour son héroïsme, émotion de sitcom de France3, personnage de consul qui fonctionne comme une sorte de deus ex machina permanent…) l’installation sur la planète HippieYoupi est l’occasion d’instaurer une situation qui parvient à questionner de manière vachement habile et riche les « attentes » de ce personnage en maturation qu’est Nävis.


(Moi j’aime l’idée qu’on la voie se projeter, puis fantasmer, puis déconstruire cette projection qu’elle s’est faite de cette humanité tant cherchée ; et qu’en parallèle ce processus suive finalement le parcours d’une adolescente qui passe par toutes les phases propres à son âge : le côté fleur bleue, tentation sexuelle, drogue, paradis sans horizon, fêtes infinies comme idéal… Tout ça pour aboutir à la désillusion…
Et surtout tout ça pour se rendre compte que son identité a été davantage conditionnée par sa jeunesse avec Proulouloute plutôt que conditionnée par sa seule nature humaine…
Voilà en plus qui donne du sens au titre de l’album, ce qui est une chose trop rare avec « Sillage » pour ne pas être appréciée.)


...
Donc oui, à bien tout prendre, j’avoue qu’il m’a plutôt bien convaincu ce tome.
Mieux que ça, il m’a redonné de l’espoir.
Parce que, l’air de rien, j’en ai passé du temps à pester contre cette immaturité de cette saga et notamment celle de son héroïne : Nävis.
Seulement voilà, un peu à l’image de son héroïne qui voient ses traits s’affirmer et son caractère quelque peu s’affiner, j’en viens à me demander si le duo Morvan-Buchet n’était pas en train de nous la faire un peu mûrir cette saga.
Alors certes, je n’en suis au point d’espérer du Alan Moore pour les prochains tomes, mais clairement ça me rend curieux.
…Et ça, l’air de rien, il y a un petit moment que ça n’était pas arrivé.

lhomme-grenouille
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le 22 févr. 2021

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