Cet album se démarque du reste de la série, car en plus de proposer une nouvelle planète, et donc un nouveau décor dans lequel Philippe Buchet peut à nouveau exprimer tout son talent, il présente l'originalité d'être centré sur l'émotion plutôt que l'action. Preuve en est le nombre réduit de dialogues, au sein d'une série habituellement plutôt bavarde. Ce choix de l'émotion se défend à mon goût, puisque cet album est celui de la rencontre avec l'espèce humaine, rencontre attendue par Nävis comme par le lecteur depuis de nombreux tomes maintenant.
Faire vivre de façon efficace un certain nombre de planches muettes est un pari que seuls peuvent à mon avis réussir les grands auteurs. Ici, le défi est relevé et remporté haut la main, permettant plus que jamais le développement de la psychologie du personnage principal. Qu'elle est belle, notre Nävis, dans sa tristesse qui la fait obéir à Bobo sans protester à la page 9, chose qu'elle ne ferait jamais en temps normal. Qu'elle est touchante, quand elle laisse éclater son enthousiasme, dans cette petite case de la page 22.
Toute cette évolution psychologique est rendue plus marquante encore par le travail de couleurs. Ces tons pastels conviennent parfaitement à ce monde de paix qu'elle découvre chez ses congénères, mais les couleurs portent malgré tout une forme d'aspect maladif, une tension liée à la drogue, à l'abandon et à la violence dissimulée.
Encore un bel album donc, un tournant dans une série qui n'en a pas fini de me plaire, d'autant que quelque chose me dit qu'il ne s'agit pas là du dernier contact entre Nävis et l'humanité.