Huis clos sous les alizés
"Neptune" est le nom du navire sur lequel sont embarqués les protagonistes de la quête de l'Eldorado. Au centre, Long John Silver, à la fois cupide, beau conteur, marin expérimenté, bretteur et cruel. L'argument central est fondé sur le partage des compétences sur cette nef des fous: seul le capitaine dispose de la carte au trésor, et, s'il meurt, personne ne sera capable de diriger le navire, encore moins de trouver la cité de l'or. De son côté, Long John Silver ne veut pas dévoiler trop tôt ses projets de mutinerie, de peur de se priver de ces renseignements essentiels.
Mais la vie à bord est rude, matériellement et psychologiquement; et le fait d'embarquer des femmes sur un bateau pour un voyage au long cours, sans savoir si l'on arrivera un jour, n'arrange pas les choses. Les innocents feront les frais des tensions aiguës qui marquent ce voyage.
Le dessin, souvent expressionniste, flirte encore avec le fantastique, jouant du contraste entre les yeux enfiévrés d'intérêt, de cupidité, de haine, ou révulsés par l'agonie, et l'ombre des visages, souvent taillés à la serpe. De fort belles images composites sont intégrées au récit, comme celle de la planche 4. Superbe image d'introduction: un navire faiblement éclairé par ses lanternes, dans un immense crépuscule indigo et violet, avec des fonds pâlis de cartes marines. Planche 21, beaux éclairs d'orage dans le lointain.
La tension monte au fil du récit, avec la proximité du but, la tempête qui se déchaîne, les cadavres qui se répètent, les haines qui explosent, et Lady Hastings qui joue du croupion. Un consentement multiforme à la mort qui joue avec le "Neptune", coque de noix qui franchit les Tropiques dans les éléments déchaînés.
Prenant.